L’initiative populaire «Pas de spéculation sur les denrées alimentaires» veille à limiter une spéculation immorale, du moins sur territoire suisse. Les conséquences négatives sur les recettes fiscales et les emplois sont modestes. L’USS a de ce fait décidé de recommander le oui.
La Jeunesse socialiste a déposé en juin 2014 son initiative « Pas de spéculation sur les denrées alimentaires ». Soutenue par le PSS, Les Verts et différentes organisations d’entraide, l’initiative demande que la Confédération édicte des dispositions pour lutter contre la spéculation sur les matières premières agricoles et les denrées alimentaires dans un nouvel article constitutionnel. Il s’agirait d’interdire aux banques, aux gestionnaires de fortune, aux assurances et aux investisseurs institutionnels d’investir dans des instruments financiers se rapportant à des matières premières agricoles ou des denrées alimentaires. Il en va de même pour la vente de produits structurés correspondants. La Confédération doit en outre s'engager en faveur d'une lutte efficace à l'échelle mondiale contre la spéculation sur les denrées alimentaires.
L’exécution efficace de cet article constitutionnel, à savoir la surveillance, la poursuite pénale et le jugement relèvent de la compétence de la Confédération. Les entreprises fautives peuvent, indépendamment d'un éventuel manque d'organisation, être sanctionnées directement. Cet alinéa vise à engager la responsabilité des entreprises plutôt qu’à s’attaquer aux employés, comme c’est le cas aujourd’hui.
En même temps que les délibérations sur l’initiative avaient lieu, les Chambres fédérales ont fait un pas en direction des initiant-e-s dans le cadre de la loi sur les infrastructures des marchés financiers. En raison du fait que l’Union européenne (UE) et les États-Unis ont introduit des limites aux investissements d’acteurs étrangers au marché de la branche agro-alimentaire, elles ont ajouté dans cette loi un passage qui permet au Conseil fédéral de fixer des limites de position pour les dérivés sur matières premières. Le but est ici de restreindre l’influence de certains acteurs du marché, particulièrement ceux qui ne sont pas directement liés au secteur agro-alimentaire. Dans le domaine des denrées alimentaires, on doit juguler les paris purement spéculatifs sur la hausse ou la baisse des prix. Selon les initiants, c’est là un pas dans la bonne direction, mais qui ne permet pas d’atteindre les buts de l’initiative.
Incidences économiques de l’initiative
Si elle était acceptée, l’initiative engendrerait des incidences économiques limitées. Seuls seraient vraiment touchés les fonds à vocation spéculative (« hedge funds »), qui offrent des produits dérivés liés aux marchés des matières premières (denrées alimentaires). Or ils sont peu nombreux en Suisse. Les négociants en matières premières qui font le commerce de denrées alimentaires et ont une certaine importance économique surtout dans l’arc lémanique et à Zoug ne seraient concernés que s’ils font des affaires pas uniquement destinées à assurer le commerce réel. Les banques qui effectuent de telles opérations pour leur propre compte devraient aussi être concernées, mais dans une moindre mesure.
Les départs à l’étranger d’entreprises que causerait cette initiative devraient rester limités, si bien qu’on ne devrait pas s’attendre à des pertes fiscales importantes.
Les incidences sur le monde des caisses de pensions seraient aussi limitées. Aujourd’hui déjà, les placements qu’elles font dans les produits des matières premières ne représentent qu’un volume très faible. Y renoncer ne poserait pas problème, car les matières premières ne génèrent pas de rendements directs (intérêts, dividendes, etc.). Si les institutions de prévoyance se rabattaient sur d’autres produits, leurs rendements ne baisseraient certainement pas.
En fait, l’initiative a surtout un effet préventif. Les discussions aux États-Unis et dans l’UE montrent que la spéculation sur les denrées alimentaires va sans doute faire prochainement l’objet d’une réglementation plus stricte. À cet égard, il s’agit d’éviter que la Suisse n’attire une fois de plus ce genre d’affaires. Or, l’initiative y ferait précisément obstacle d’entrée de jeu.