L'initiative de la Jeunesse socialiste " contre la spéculation sur les denrées alimentaires " ne va pas modifier les conditions de travail en Suisse et ne menace pas les emplois dans le secteur du négoce de matières premières. Myret Zaki, rédactrice en chef de l'hebdomadaire " Bilan " ne comprend pas l'argument de la perte d'emplois brandi par les opposants à l'initiative sur laquelle le peuple vote le 28 février 2016.
« Le secteur des négociants qui représente environ 20% du PIB genevois (3,9% du PIB suisse), ne serait pas touché par l’initiative », affirme Myret Zaki, qui connaît très bien la finance pour y avoir travaillé avant de devenir journaliste. « Ces négociants, essentiellement actifs dans l’Arc lémanique, à Zoug et un petit peu à Zürich, qui organisent des cargaisons de matières premières physiques, qui affrètent des cargos, ne sont pas dans la spéculation», poursuit la rédactrice en chef du magazine économique « Bilan ». Ce secteur représente 35 000 emplois en Suisse dont 16 000 à Genève. Et d’expliquer que « ce sont les traders qui spéculent, pas les négociants de matières physiques. »
L’initiative veut en effet interdire aux banques, aux gestionnaires de fortune, aux assurances et aux investisseurs institutionnels d’investir dans des véhicules financiers se rapportant à des matières premières agricoles ou des denrées alimentaires. Il en va de même pour la vente de produits structurés correspondants. La Confédération doit en outre s'engager en faveur d'une lutte efficace à l'échelle mondiale contre la spéculation sur les denrées alimentaires. Par contre, l’initiative ne touche pas au « hedging », à savoir les contrats à terme pour garantir les prix.
Arguments de la droite peu étayés
Pourquoi la droite martèle-t-elle donc pareillement que l’initiative contre la spéculation amènerait d’importantes pertes d’emplois dans le secteur du négoce ? A part que brandir la menace sur les emplois est l’argument favori de la droite pour effrayer la population, il ne se justifie pas vraiment. Myret Zaki ne comprend en tout cas pas ce raisonnement et se demande même si les opposants ont saisi le contenu de l’initiative. « Leurs arguments sur les pertes d’emploi sont peu étayés. Ils prétendent que des négociants ou des banques déménageraient, mais ne disent ni lesquels, ni pourquoi ils le feraient. »
Ces produits spéculatifs ne font pas l’unanimité
Cette régulation pourrait à la rigueur rendre l’environnement moins compétitif. Mais là encore, elle relativise : « Eventuellement à la marge, elle pourrait contrarier des professionnels de l'investissement qui proposent des placements basés sur les matières agricoles à leurs clients. Mais à cet égard-là aussi, ces placements ne font pas l'unanimité: certaines banques ont déclaré ne plus vouloir investir dans des produits financiers basés sur les matières agricoles. »
Cette classe d’actifs est en outre généralement peu représentée dans les portefeuilles, fait-elle encore remarquer. Ce qui au final n’aurait donc que peu ou pas d’influence sur les revenus par exemple des caisses de pension. Seuls les fonds à vocation spéculative (« hedge funds ») qui offrent des produits dérivés liés aux marchés des matières premières seraient vraiment touchés. Or ils sont peu nombreux en Suisse.
Il est néanmoins clair que l’essentiel de la spéculation sur les denrées alimentaires se fait à New York ou Chicago et pas en Suisse. Toutefois, si l’initiative était acceptée, les banques suisses, qui gèrent tout de même des milliards de titres pour leur clients pourraient tout simplement renoncer à ces produits spéculatifs « de toute manière volatils et de loin pas indispensables ».
Encore un argument de plus pour déposer un Oui dans l’urne le 28 février.