En liant des éléments de politique fiscale sensés alléger les impôts d’une minorité de couples mariés à une vision du mariage étriquée et conservatrice, l’initiative du PDC est en fait discriminatoire pour les LGBT. De plus, elle trompe le peuple. L’ouverture vers le mariage pour tous serait ainsi durablement bloquée. Et enfin, le manque à gagner fiscal pour la Confédération serait lourd de conséquences. Autant de raisons qui font que l’USS dit non à l’initiative contre la pénalisation du mariage.
L’initiative «Pour l’égalité fiscale du mariage - Non à la pénalisation du mariage » vise à supprimer les désavantages qui frappent les couples mariés par rapport aux couples de concubins devant l’impôt fédéral direct. Le problème est qu’elle définit le mariage comme étant « l’union durable et réglementée par la loi d’un homme et d’une femme ». Elle ancre ainsi dans la Constitution le fait que les couples homosexuels continuent pendant très longtemps à être privés d’une complète égalité de droits en matière de mariage, « ce qui est en contradiction avec les principes d’égalité et de non-discrimination de la Constitution fédérale (articles 8 et 14) », commente Max Krieg, président de la Commission LGBT de l’USS.
Mariage pour tous torpillé
« Au cas où l’initiative était acceptée, elle torpillerait par ailleurs le processus politique en cours au Parlement pour l’ouverture du mariage civil aux couples de même sexe, ajoute Max Krieg. Un sondage représentatif réalisé en novembre 2015 a en outre montré que 70% de la population était favorable à cette ouverture. »
Car en effet, le droit du mariage civil et de la famille évolue partout dans le monde. La Cour européenne des droits de l’homme a notamment estimé que le droit à la vie familiale s’appliquait aussi aux couples homosexuels. Et la Cour suprême des Etats-Unis a récemment estimé que les Etats américains ne pouvaient plus interdire le mariage entre personnes du même sexe.
Amalgame trompeur et pernicieux
Autre problème de cette initiative : elle viole le principe de l’unité de la matière en mêlant plusieurs sujets. En effet, elle empêche le peuple suisse de décider séparément sur deux questions très différentes, l’une fiscale, l’autre sociétale, à savoir l’ouverture du mariage aux couples de même sexe. Par cet amalgame trompeur et pernicieux dans un même texte, le PDC veut sans y paraître graver dans la Constitution une seule forme de famille, niant complètement la diversité des modèles familiaux existant aujourd’hui. Il muselle ainsi le peuple qui ne peut répondre que par un oui ou un non à deux questions sur lesquelles il peut avoir un avis différent.
Cadeau fiscal pour une minorité de revenus élevés
Selon la droite, l’initiative du PDC éliminerait une pénalisation fiscale du mariage prétendument importante. En réalité, « seuls 80 000 couples mariés parmi les plus aisés bénéficieraient de ce que l’on pourrait appeler un cadeau fiscal », note encore Max Krieg. En effet, suite à un arrêt du Tribunal fédéral, la plupart des cantons ont déjà modifié leurs systèmes d’imposition afin d’éviter l’inégalité de traitement des couples mariés en adoptant le splitting.
« Le manque à gagner fiscal de la Confédération serait d’environ 1,3 à 2,3 milliards, qui, comme d’habitude, devraient être économisés dans la formation, le social, les services publics, là où on a le plus besoin de moyens», poursuit le syndicaliste. Alors que les finances publiques sont soumises à de fortes pressions et que des vagues d’économies menacent partout, ce n’est pas le moment priver les collectivités publiques de rentrées fiscales.
A contre-courant de l’évolution de la société
Et enfin, l’initiative sur la pénalisation du mariage est tout simplement rétrograde, quand on observe l’évolution en marche dans le monde, en Amérique du Sud ou en Europe. De nombreux pays, comme la France, le Portugal, l’Espagne, l’Irlande et les pays nordiques, ont adopté le mariage pour tous. « La Suisse serait en Europe de l’Ouest le seul pays à ancrer l’interdiction du mariage pour les personnes de même sexe », conclut Max Krieg.