Aperçu détaillé du train de mesures visant à garantir la protection des salaires

Aperçu détaillé du train de mesures visant à garantir la protection des salaires

En Suisse, on doit payer des salaires suisses. Pour que cette règle soit dûment respectée la Suisse a introduit, suite aux pressions syndicales, des mesures visant à garantir la protection des salaires. Le nouvel accord avec l’UE aurait mis en péril cet acquis social. L’USS s’est donc engagée ces dernières semaines, dans les discussions de politique intérieure, en vue du maintien du niveau de protection actuel et de l’adaptation de la protection salariale à la réalité actuelle. Les discussions ont abouti le 20 mars. Le train de mesures mis au point prévient le démantèlement de la protection des salaires qui aurait été à craindre.

Le nouveau train de mesures veille à ce qu’à l’avenir, les marchés soient avant tout adjugés à des entreprises correctes ; il garantit également le paiement de frais suisses lors de déplacements ou repas pris à l’extérieur. Il adapte aux besoins actuels les règles désuètes en matière de déclaration de force obligatoire des conventions collectives de travail (CCT). Et il améliore la protection contre le licenciement des travailleuses et travailleurs qui s’engagent dans le cadre du partenariat social.
 

Pressions salariales accrues : nécessité d’adapter et d’améliorer la protection des salaires

En plus d’affaiblir la protection des salaires, l’accord avec l’UE facilite à des entreprises douteuses et se moquant de nos lois l’accès au marché helvétique, par exemple en supprimant les garanties financières à verser. Or la Suisse est un véritable eldorado au cœur de l’Europe. 

Sans protection des salaires, les entreprises auraient la possibilité de facturer des prix suisses tout en payant des salaires étrangers. C’est d’autant plus inquiétant qu’à la différence du Danemark et d’autres pays, les entreprises d’Etats membres de l’UE comptant 250 millions d’habitants sont susceptibles de travailler en Suisse dans leur langue locale. À cela s’ajoute l’essor de la sous-traitance et d’autres développements qui tendent à fragiliser les CCT et à favoriser la sous-enchère salariale.

Par conséquent, il faut renforcer la protection des salaires non l’affaiblir. Quant à l’extension des CCT (déclaration de force obligatoire, DFO), il est nécessaire de l’adapter à la réalité actuelle – en l’occurrence le mécanisme utilisé pour prononcer la DF, c’est-à-dire l’extension du champ d’application à une branche entière d’une CCT conclue par des associations d’employeurs et de travailleurs. Les règles actuelles remontent à 1956. Plus personne ne voudrait partir en vacances aujourd’hui avec un avion datant de cette époque.

Enfin, la protection contre le licenciement devrait au moins remplir les exigences de l’Organisation internationale du travail (OIT), afin que les travailleuses et travailleurs s’engageant dans le cadre du partenariat social n’aient pas à craindre pour leur emploi. Il s’agit là d’une condition essentielle d’un partenariat social qui fonctionne.
 

Garantie et amélioration de la protection des salaires : détails sur le train de mesures

1. Prévention : attribution des marchés aux entreprises versant des salaires corrects

Si nous veillons à ce que les commandes des pouvoirs publics aillent à des entreprises qui paient des salaires corrects, il y aura d’autant moins besoin de contrôles et d’amendes. Le train de mesures négocié renforce considérablement cette mesure préventive. Il existe aujourd’hui une base de données des associations patronales et des syndicats permettant de savoir si, lors d’un contrôle, il s’est avéré qu’une entreprise payait des salaires trop bas. Le nouveau train de mesures oblige la Confédération à tenir désormais compte des résultats de tels contrôles, lors de ses adjudications dans la construction. Cette base de données sera également utilisée pour les marchés cantonaux. De même, les particuliers et entreprises pourront utiliser ces informations, qui jouent un rôle-clé dans la sous-traitance. Quiconque désire sous-traiter une commande a un devoir de diligence. Il lui incombe à ce titre de vérifier si les sous-traitants versent des salaires suisses. Par ailleurs, les travailleuses et travailleurs devront désormais porter un badge sur les chantiers publics.

2. Mise au point : garantie des frais suisses en Suisse

Si une entreprise fait travailler son personnel dans un endroit très éloigné, elle doit couvrir ses frais d’hébergement et de nourriture. Il en va normalement ainsi pour les entreprises étrangères fournissant temporairement leurs services en Suisse dans la construction, dans l’informatique ou dans d’autres branches encore. Les travailleuses et travailleurs ne peuvent généralement pas rentrer le soir à la maison. Malheureusement, la réglementation européenne des frais est problématique : les règles applicables sont celles du pays d’origine de la main-d’œuvre. Donc si des entreprises polonaises viennent en Suisse, c’est le droit polonais qui fait foi et non les barèmes suisses, sensiblement plus élevés. Dans le cadre du présent train de mesures, la loi sera adaptée pour garantir expressément qu’en Suisse, les frais suisses doivent être payés.

3. Responsabilité : protection des salaires accrue dans les chaînes de sous-traitance

Dans la construction en particulier, les marchés sont souvent adjugés à des entreprises générales, qui divisent les travaux en lots pour les confier à différentes entreprises. On trouve ainsi parfois de véritables chaînes de sous-traitance. Dans la pratique, il est souvent difficile d’amender ces sous-traitants, quand ils versent des salaires trop bas. Le train de mesures représente ici une réelle avancée. Si les sous-traitants refusent de payer les amendes ou ne sont pas en mesure de le faire, par exemple suite à une faillite, les organes de contrôle pourront désormais amender l’entrepreneur principal. Grâce à cette responsabilité de l’entrepreneur principal, non seulement les salaires suisses seront mieux respectés, mais les entreprises générales seront amenées à mieux contrôler à qui elles font appel pour les travaux. Cet effet préventif réduira les pressions subies par les salaires en Suisse.

4. Rapidité : amélioration des contrôles

Aujourd’hui, les entreprises étrangères actives dans des secteurs à risque doivent annoncer les détachements de travailleurs vers la Suisse en Suisse huit jours civils au préalable, sauf en cas d’urgence ou de circonstances exceptionnelles. Le délai d’annonce préalable sera ramené à quatre jours ouvrables, soit deux jours ouvrables de moins que jusqu’ici. Cela suppose que les annonces parviennent plus rapidement à l’organe de contrôle compétent – au lieu d’être d’abord transmises aux cantons. En effet, les cantons sont loin d’être tous aussi rapides et l’attribution à l’organe de contrôle n’est souvent pas irréprochable. À l’avenir, les annonces préalables devront être réparties entre les contrôleurs dès leur réception – avant même d’être transmises aux cantons. D’où la possibilité d’effectuer des contrôles plus rapides et mieux coordonnés, ce qui améliorera la protection des salaires.

5. Garantie : la Suisse est dispensée de reprendre les futures détériorations de la protection des salaires décidée par l’UE

La Suisse reçoit dans le cadre de l’accord avec l’UE une garantie qu’il ne lui faudra pas reprendre d’éventuelles détériorations décidées par l’UE en matière de protection des salaires. Cette garantie a pour nom « clause de non-régression ». Elle peut s’avérer importante pour la protection des salaires. La Commission réfléchit en effet à réduire la quantité d’informations que les entreprises doivent communiquer lorsque des entreprises détachent du personnel dans un autre État. Dans le pire des cas, on ne saurait plus au juste où l’entreprise va travailler, ce qui rendrait les contrôles plus difficiles. Or grâce à la clause de non-régression, la Suisse n’aurait pas besoin de reprendre cette détérioration de la protection des salaires.

6. Modernisation : adaptation des conditions d’extension (DFO) à la réalité économique

Pour qu’une CCT soit déclarée de force obligatoire et donc puisse être appliquée à toutes les entreprises de la branche concernée, les associations d’employeurs et de travailleurs qui ont négocié cette CCT doivent représenter une part définie de la branche. Par exemple, l’association patronale signataire doit compter parmi ses membres la moitié des entreprises de la branche. Or ce quorum a presque 70 ans. Il remonte à 1956. L’économie a profondément changé depuis. Les entreprises externalisent leurs activités, et donc il y a toujours plus de sous-traitants. Dans le bâtiment par exemple, le nombre de micro-entreprises a quasiment doublé en dix ans. Les associations patronales ont beau organiser les grandes entreprises traditionnelles et représenter ainsi une grande partie de la main-d’œuvre, l’explosion de la sous-traitance fait que le quorum d’employeurs risque de ne pas être atteint. En outre, les entreprises sous-traitantes n’ont souvent qu’une brève durée de vie et rechignent à adhérer aux associations faîtières. Le nouveau train de mesures introduit ici une amélioration. Le quorum des employeurs sera ramené de 50 à 40 %, en vue de la prolongation d’une CCT étendue.

7. Protection contre le licenciement : meilleure protection des travailleuses et travailleurs s’engageant pour leurs collègues

Le partenariat social entre les associations patronales et les syndicats ne fonctionne que si les employeurs et les travailleurs peuvent se parler et négocier d’égal à égal. Les représentant-e-s des travailleurs ont par conséquent besoin d’une protection efficace contre le licenciement, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui. Sans surprise, plus d’un collaborateur s’étant battu pour ses collègues de travail a perdu son emploi. Un exemple particulièrement choquant concerne Daniel Suter, président de la commission du personnel du journal Tages-Anzeiger, remercié en pleine négociation d’un plan social. Le Tribunal fédéral a jugé ce licenciement contraire au droit suisse.

Le train de mesures visant à garantir la protection des salaires apporte ici des améliorations. Avant de pouvoir procéder à un licenciement, l’entreprise devra d’abord rechercher un autre emploi pendant deux mois, avec les représentant-e-s des travailleurs concernés. Si elle ne le fait pas, le licenciement n’est pas valable. Au cas où le conflit aboutirait au tribunal, l’amende encourue pourra aller jusqu’à dix mois de salaire. Seront désormais protégés les membres des commissions du personnel, des conseils de fondation des caisses de pensions ainsi que des comités nationaux des branches possédant une CCT étendue, pour autant qu’ils travaillent dans une entreprise comptant au moins 50 employé-e-s. Cette réglementation inscrite dans le train de mesures visant à garantir la protection des salaires obligera notamment les tribunaux à prendre cette question davantage au sérieux. Car la nouvelle procédure préalable de deux mois indique clairement que les représentations du personnel ont besoin d’une protection particulière afin de pouvoir dûment assumer leur fonction.

Plus d'informations : 

Le train de mesures négocié garantit les salaires en Suisse – Réaction de l'USS à la décision du Conseil fédéral

Il faut garantir les salaires et le service public – assemblée des délégué·e·s de l'USS du 31 janvier 25

 

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