Une vraie leçon de capitalisme

  • Salaires et CCT
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Écrit par Daniel Lampart

Dans la branche du nettoyage et de l’entretien des bâtiments, le nombre de salarié(e)s est aujourd’hui de 50 % plus élevé qu’à la fin des années 1990. Une évolution nettement plus marquée que celle de l’emploi total qui, durant le même laps de temps, a crû d’un peu plus de 10 %. La branche du nettoyage n’a pas autant progressé parce qu’on nettoie plus en Suisse que par le passé, mais parce que de nombreuses externalisations de ces activités ont été réalisées. Avant celles-ci, ces travailleurs et travailleuses étaient statistiquement enregistrés dans le secteur où ils et elles nettoyaient (banques, hôpitaux, etc.). Aujourd’hui, ils ne figurent plus dans ces secteurs, mais dans celui du nettoyage.

Ces externalisations ont empoisonné les conditions de travail de cette branche. Le salaire minimum y est d’environ 20 francs de l’heure, si l’on prend en considération l’indemnité de vacances et la part du 13e salaire. Si le personnel du nettoyage était directement employé, par exemple, par les banques, les salarié(e)s recevraient environ 27 francs de l’heure ; même celles qui touchent le salaire minimum le plus bas.

Ce sont surtout des grandes entreprises – UBS, Crédit Suisse, Novartis, Swisscom – qui ont externalisé le nettoyage de leurs bâtiments. L’UBS, par exemple, l’a fait en 2006, en autonomisant ses services de nettoyage sous la forme d’une nouvelle entreprise du nom de Edelweiss FM. Dans de nombreux cas, il a été exigé des entreprises de nettoyage extérieures qu’elles reprennent les anciennes conditions de travail des employé(e)s. Mais ce ne fut le cas que provisoirement. Premièrement en effet, cette branche, qui connaît d’importantes fluctuations, a pu, lors de nouvelles embauches, convenir de salaires plus bas. Deuxièmement, des entreprises de nettoyage ont été vendues à d’autres entreprises qui n’étaient pas tenues de respecter ces accords. Ce fut aussi le cas de l’ancienne entreprise de nettoyage de l’UBS, Edelweiss FM, qui fut reprise par ISS, une entreprise internationale avec siège au Danemark.

Dans les milieux syndicaux, ISS est surtout connue comme étant l’entreprise qui a dénoncé en 2010 la convention collective de travail de l’aéroport de Genève ; cela, afin de pousser les salaires à la baisse. Un culot que le Syndicat suisse des services publics, le ssp, en déclenchant une grève. ISS est propriété des fonds d’investissement de Private Equity qui, à leur tour, appartiennent à la famille Wallenberg, de l’oligarchie suédoise ainsi qu’à la banque d’investissement Goldman Sachs.

La boucle est ainsi bouclée. Les banques et les grandes entreprises externalisent les travaux de nettoyage afin d’économiser des coûts, respectivement pour faire plus de profits. Ces économies se font en grande partie aux dépens des nettoyeuses et nettoyeurs, dont les salaires minimums baissent fortement. De ce fait, les entreprises de nettoyage peuvent enregistrer des bénéfices qui, à leur tour, reviennent aux banques qui ont achetées ces mêmes entreprises !

L’initiative de l’USS sur les salaires minimums pourrait mettre fin à cette pression sur les salaires au détriment du personnel de nettoyage. En effet, si ce dernier gagne plus, l’externalisation de ces activités n’en vaudra plus la peine.

Responsable à l'USS

Daniel Lampart

Premier secrétaire et économiste en chef

031 377 01 16

daniel.lampart(at)sgb.ch
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