Lors d’une conférence presse en prélude à la 102e Conférence de l’Organisation internationale du Travail (OIT), les syndicats ont présenté les deux derniers cas d’étranglement d’une grève légitime par des employeurs usant d’une brutalité jusqu’alors inconnue. Les cas de SPAR et de La Providence soulignent combien une protection efficace contre les licenciements antisyndicaux est nécessaire.
Depuis peu, SPAR Dättwil n’est plus seulement le nom d’un magasin comme il en existe des milliers ailleurs. SPAR Dättwil est aujourd’hui le symbole d’une politique patronale arrogante et brutale. Corinne Schärer, membre du Comité directeur d’Unia a résumé ainsi la situation lors de cette conférence de presse à Genève: « Ces derniers jours, chez SPAR à Dättwil, s’est déroulée la plus longue grève que le commerce de détail ait connue en Suisse. Les employé(e)s ont proposé jour après jour des négociations à la direction de SPAR. Ce n’est qu’après sept jours de grève que le management de SPAR s’est déclaré favorable à cette option, pour toutefois quitter la table des négociations au milieu des discussions, sans donner de justification. Ensuite, la direction n’a plus pris en compte une quelconque proposition des employé(e)s ou d’Unia. Et au onzième jour de grève, survient le coup de force: au lieu de reprendre les discussions, la direction licencie les 11 employé(e)s avec effet immédiat. »
Brutal de chez brutal
Cette façon brutale de procéder viole le droit de grève protégé par la Constitution, puisque des personnes licenciées ne peuvent plus faire grève. Elles n’ont même plus d’emploi pour lequel revendiquer quelque chose. Quel procédé « élégant » et quel dédain! S’y ajoute le fait que les licencié(e)s ne sont pas entrés en grève par goût du vandalisme. D’un côté, il y avait des salaires anémiques (3’600 francs), un manque de personnel chronique, entraînant des heures supplémentaires récurrentes, cause d’arrêts maladie provoquant en retour davantage de stress, bref une vraie spirale descendante en matière de conditions de travail. De l’autre côté, la démarche du personnel, qui demandait de discuter de mesures contre ces dysfonctionnements, fut complètement ignorée. Seul ce mélange détonnant de besoins objectifs et de rebuffade a débouché sur la décision de faire grève. Ni le large soutien public des grévistes, ni les actions de solidarité menées devant d’autres magasins SPAR, comme celles des Jusos et de la jeunesse d’Unia du samedi 15 juin, n’ont suffi pour faire dévier, ne serait-ce que d’un pouce, le cours agressivement brutal de la direction de SPAR.
A Neuchâtel aussi
SPAR Dättwil n’est pas un cas isolé. Katharina Prelicz-Huber, présidente du SSP, a évoqué le cas de l’hôpital de La Providence, à Neuchâtel, où 22 grévistes ont été licenciés. Le recours à la grève visait à refuser la dénonciation de leur CCT et la dégradation de leurs conditions de travail. Ces deux points faisaient partie des conditions de reprise de l’hôpital par un acquéreur privé, la société Genolier SA. Ici aussi, on a appliqué brutalement la méthode « marche ou crève ». Avec la même conséquence: fouler aux pieds les droits syndicaux garantis par l’OIT et la Constitution fédérale. Ici aussi, le droit de grève est vidé de son sens et un partenariat social loyal est remplacé par des diktats. Le SSP avait demandé une suspension juridique des licenciements. Le tribunal souligna toutefois leur conformité au droit, la législation suisse permettant de tels licenciements. Pour cette raison, le SSP a donc porté plainte contre la Suisse devant l’OIT, puisqu’elle admettait ces règles anticonstitutionnelles dans son droit du travail. Unia examine la possibilité de s’associer à la plainte du SSP auprès de l’OIT et/ou d’intervenir auprès du gouvernement suisse, afin qu’il relance la révision du Code des obligations (CO), actuellement mise au frigidaire.
Plusieurs plaintes devant l’OIT
L’USS a déjà porté plainte contre la Suisse devant l’OIT, il y a une décennie, pour violation des conventions 87 et 98 de l’OIT, qu’elle avait ratifiées. Au cœur de cette plainte se trouve en particulier la très faible protection contre le licenciement des salarié(e)s actifs syndicalement. L’USS a suspendu sa plainte après que le Conseil fédéral a voulu lancer une révision du CO qui aurait dû s’attaquer à ce problème. Entre temps, sous la pression du patronat, le Conseil fédéral a gelé cette révision. En conséquence, l’USS a réactivé sa plainte auprès de l’OIT.
Ces cas, choquants, de La Providence et de SPAR le montrent: une meilleure protection contre les licenciements est nécessaire. Sinon, aucune négociation ne pourra plus se dérouler sur un pied d’égalité. Les entreprises ne doivent plus être ces zones dans lesquelles on laisse au vestiaire ses droits démocratiques en même temps que son pardessus.