La série de décisions prises par les autorités sur UBER s'est enrichie d'un nouveau chapitre. Tout récemment, le SECO a décidé qu'UBER, le service de taxis numérique et l'exploitant d'une plate-forme, doit être considéré, relativement à la location de services, comme un employeur.
Le chat ne renonce jamais aux souris. En plus clair, UBER a sciemment essayé à une nouvelle reprise de tourner les contraintes légales locales pour se créer des avantages par rapport à ses concurrents directs.
UBER avait déjà fait une impression négative aux autorités compétentes en matière de sécurité sociale, ainsi qu'à la SUVA. Sous la pression des syndicats et de travailleurs et travailleuses bernés, les autorités ont dû constater qu'UBER était un employeur tout à fait normal et n'avait de ce fait pas à être traité différemment, par exemple, d'une autre centrale de taxis travaillant avec le téléphone traditionnel et non une application avec géolocalisation. UBER appelle certes les contrats qu'il conclut avec ses conducteurs et conductrices des " mandats ", mais, à proprement parler, on est en présence ici d'indépendance fictive. Résultat de ces conflits : UBER doit verser à ses employé(e)s les cotisations sociales.
Désormais, le SECO affirme également qu'UBER doit respecter les dispositions de protection concernées prévues par le droit suisse. Cette fois, il s'agit du " prêt " de conducteurs et conductrices d'autres entreprises. Là aussi, UBER avait argué, contre toute évidence juridique, qu'il n'était pas un employeur, mais simplement une entreprise utilisant un logiciel.
Le droit du travail est apte à traiter de la numérisation
Ces décisions montrent que le droit suisse du travail est a priori apte à traiter de la numérisation. Mais il est important que les autorités appliquent à tous les mêmes règles et ne favorisent pas les fournisseurs numériques par rapport à ceux qui sont traditionnels. Cela, en particulier lorsque les exploitants de plates-formes tentent de se créer des avantages concurrentiels déloyaux à travers une pseudo-indépendance !
Sous cet angle, les interventions développées au Parlement pour demander un assouplissement du droit des assurances sociales et du travail (initiatives parlementaires Keller-Sutter et Graber pour la suppression de pans entiers de la loi sur le travail, initiative parlementaire Burkart pour la journée de travail de 17 heures dans le télétravail, postulat du PLR pour la création d'un nouveau statut de travailleur de plate-forme) doivent être considérées comme des tentatives cyniques de déréglementer sur le dos des salarié(e)s. Cet agenda de la déréglementation encourage passablement les moutons noirs de la branche, donc aussi UBER.
Combler les lacunes de la protection des salarié(e)s
L'Union syndicale suisse (USS) mettra tout en œuvre pour empêcher ces dégradations. Ce qu'il faut au contraire, c'est combler les actuelles lacunes de la protection des travailleurs et travailleuses apparues avec la numérisation. Il faut :
- que les autorités lancent une offensive en matière de contrôles concernant le travail au noir numérique et contre les violations du droit du travail ;
- mettre en place des réglementations pour le télétravail là où la protection des travailleurs et travailleuses est lacunaire (p. ex. dans les domaines de la santé et des coûts matériels), ainsi qu'en ce qui concerne la responsabilité ;
- interdire que les contrats de travail conclus avec des exploitants de plates-formes prévoient un arbitrage des litiges à l'étranger.
La numérisation doit en effet profiter aux salarié(e)s et non leur être préjudiciable.