Hubert Schaller* (trad. D. Süri)
Les autoroutes furent construites.
Les minarets sont interdits.
Les journaux sont remplis :
le nouveau scandale bancaire,
le nouveau film alimentaire,
le nouveau président,
le progrès annoncé tous les jours
en boucle.
Les vieux mensonges alimentent toujours les questionneurs.
Les politiciens jonglent avec les pour cents électoraux.
Les accidents nucléaires sont enregistrés très exactement.
La météo tient ce qu’elle promet.
Les syndicats marchandent des pour-cent de salaires.
Les opposants à la mondialisation finissent en prison.
Le pape se rend à Hollywood.
Les requérants d’asile sont renvoyés chez eux.
L’opposition fait de la tactique avec l’adversaire.
Qu’attendons-nous encore,
là où la multiplication miraculeuse des bonus s’invite à table,
là où le patriotisme de l’Albisgüetli prospère,
et que l’ennui suinte à la commissure des lèvres,
là où le bonheur familial goutte comme du miel de la boîte à images
et que les petits riches sont solidaires des grands riches.
Qui donc parle sans cesse d’insatisfaits,
là où tous se rendent en pèlerinage aux urnes les joues empourprées d’optimisme
et affirment imperturbablement
que nous sommes un peuple de Dieu extra-européen.
Qui donc se porte mieux que nous,
qui, patiemment et avec application, accroissons le bien-être
et érigeons des murs contre le regard des envieux.
Et lorsqu’une nouvelle crise économique éclate
et lorsque l’avant-dernier travailleur est licencié
et qu’il ne reste pas pierre sur pierre,
infrangibles et fermes
nous sentons sous nos pied
la roche inébranlable
de la haute finance.
Hubert Schaller, né en 1955, professeur de gymnase et poète, vit à Alterswil (FR). En 1984, le prix de littérature du canton de Fribourg lui a été décerné. Publications : Trommelfellschläge (poésies, 1985) ; Drùm (poésies, 2005). Publie régulièrement des chroniques et essais dans différents journaux et revues.
(Traduction D. Süri)