Le DFJP veut réviser la LP. Ses propositions visent en particulier la procédure concordataire, ou d’assainissement. Mais le droit du contrat de travail est aussi concerné.
L’USS est surprise de voir qu’alors que nous sommes dans une grave récession économique, on se lance dans une révision qui fait aussi peu cas des intérêts des salarié(e)s. En cas d’insolvabilité, les prescriptions en vigueur offrent déjà une protection insuffisante à ces derniers. Par exemple, l’obligation de négocier un plan social en cas de licenciement collectif fait défaut. Contrairement aux autres créanciers, les salarié(e)s sont même doublement concernés par la crise et l’insolvabilité de leur employeur. D’une part, en tant que créanciers, leurs arriérés de salaire et leurs salaires futurs sont menacés. De l’autre, ils risquent de perdre leur emploi, leur revenu économique étant ici alors en jeu. Lors de l’élaboration du projet, on a accordé beaucoup trop peu d’attention à ce dernier aspect.
Des droits tout simplement gommés !
L’USS rejette ce projet, car les propositions faites visent à affaiblir la position des salarié(e)s. Selon l’avant-projet, le transfert automatique des rapports de travail en cas de reprise d’entreprise serait exclu durant le sursis concordataire, ainsi que dans le cadre d’une faillite ou d’un concordat par abandon d’actifs. L’acquéreur d’une entreprise faillie ne devrait ainsi plus reprendre les collaboratrices et collaborateurs restants ou pourrait modifier sur-le-champ les conditions de travail.
De plus, concernant les créances des salarié(e)s échues dès avant le transfert de l’entreprise, la responsabilité solidaire de l’ancien employeur et du nouvel acquéreur de l’entreprise tomberait. L’acquéreur devrait ainsi répondre uniquement des créances des salarié(e)s repris. Qui plus est, en cas d’assainissement, les droits de participation du personnel seraient limités. En résumé, ces modifications proposées permettraient au nouvel acquéreur de gommer purement et simplement les droits acquis des salarié(e)s concernés… qui deviendraient ainsi les dindons de la farce.
Des visées purement idéologiques
Mais comment donc le DFJP est-il arrivé à de telles propositions ? Il « argumente » en prétendant que le transfert automatique des rapports de travail empêcherait des assainissements. Or, l’affirmation selon laquelle l’application de l’article 333 CO rendrait les assainissements plus difficiles, voire impossibles ne repose sur aucune preuve empirique, même embryonnaire. Par contre, le but visé ici est clair : il s’agit de donner plus de poids à la liberté des employeurs. Les assainissements, qui ne sont possibles que si les créances échues des salarié(e)s ne doivent pas être payées, sont aussi très problématiques d’un point de vue économique. Ils grèvent en effet excessivement l’assurance-chômage à travers les indemnités en cas d’insolvabilité et débouchent fréquemment sur de nouveaux assainissements. Que le législateur entende même favoriser des assainissements aussi bancals est choquant.
Au demeurant, le droit suisse du contrat de travail offre, de par sa flexibilité, suffisamment de possibilités pour adapter les conditions de travail en cas de changement d’employeur. La pratique montre en outre qu’en cas de transferts d’entreprises, des accords entre le nouvel et l’ancien employeur ainsi que les partenaires sociaux sont tout à fait courants. L’encouragement d’accords entre les partenaires sociaux est en effet la seule amorce constructive de solution pour favoriser des assainissements.