On doit pouvoir vivre de son salaire. La motion Ettlin viole clairement cet important principe. Or la Commission de l’économie et des redevances du Conseil national (CER-CN) a décidé à une toute petite majorité, par 11 voix contre 10, de recommander son acceptation. Pour des raisons de politique sociale, les salaires minimums cantonaux sont admissibles afin de garantir le minimum vital. Il est donc évident que les salaires prévus dans les conventions collectives de travail (CCT) ne doivent pas être inférieurs à ce seuil minimal.
La motion Ettlin se présente avec un intitulé séduisant : « Protéger le partenariat social contre des ingérences discutables ». Mais elle veut empêcher les cantons de prendre des mesures contre les salaires trop bas : les salaires minimums cantonaux ne s’appliqueraient en effet plus dans toutes les branches où une CCT, dont le champ d’application a été étendu (de force obligatoire), contient également des dispositions sur les salaires. La motion ne vise ainsi rien d’autre que de produire des « working poor » (travailleurs et travailleuses pauvres).
Cependant, la Constitution fédéral stipule que les cantons ont la compétence d’édicter des lois en matière de politique sociale. Ils peuvent ainsi décider que les salaires doivent couvrir le minimum vital. De ce fait, pendant le débat sur un salaire minimum national, les opposant-e-s à l’initiative populaire qui en demandait un n’avaient cessé de dire que, si besoin est, les cantons peuvent toujours introduire un salaire minimum. Et le Tribunal fédéral aussi a confirmé cette compétence des cantons à édicter des salaires minimums.
La mise en œuvre de la motion Ettlin violerait la Constitution fédérale et saboterait le partenariat social. Les CCT pourraient en effet se trouver dénaturées dans le but d’affaiblir encore plus un droit du travail d’ores et déjà bien maigre et de torpiller la volonté du législateur. Au lieu de garantir aux salarié-e-s des conditions de travail meilleures que ce que prévoient les normes minimales légales, elles permettraient de déroger à ces dernières. Que les CCT puissent servir d’instruments pour tirer les salaires légaux vers le bas serait aussi bien dangereux que scandaleux.
Il est inquiétant que cette attaque contre la souveraineté des cantons et les salaires des travailleurs et travailleuses des régions frontalières, en particulier les cantons de Neuchâtel et Genève, ait lieu à un moment où se déroulent des discussions sur la protection des salaires et notre rapport avec l’Europe.
Espérons que le Conseil national suivra la proposition du Conseil fédéral, des cantons et des syndicats, à savoir rejettera la motion Ettlin, au lieu de saboter la paix sociale en Suisse.