La Commission de l'économie et des redevances du Conseil des États (CER-E) a récemment lancé une attaque frontale contre le partenariat social et la protection cantonale des salaires dans les cantons frontaliers que sont Neuchâtel, le Jura, et le Tessin. Aujourd'hui, la balle est dans le camp du Conseil des États : la motion Baumann, qui a lancé le pavé dans la mare, doit être rejetée, et ce, peu avant la votation au printemps sur l'initiative catastrophique contre la voie bilatérale (initiative " de limitation ").
Le texte (motion 18.3934) porte le joli nom de « Renforcer le partenariat social dans le cadre de conventions collectives nationales de travail ». Ceci est plutôt cynique, car cette motion veut en fait empêcher les cantons de prendre des mesures contre les salaires trop bas : les salaires minimaux cantonaux ne s'appliqueraient plus dans les secteurs où une convention collective de travail (CCT) déclarée de force obligatoire contient également des dispositions sur les salaires. La motion ne veut rien de plus que de produire des travailleurs et travailleuses pauvres.
Pourtant, selon la Constitution fédérale, les cantons sont compétents pour légiférer en matière de politique sociale. Ils peuvent donc également déterminer que les salaires doivent couvrir le minimum vital. C'est pourquoi, lors du débat sur un salaire minimum national, les opposants à l'initiative ont toujours bien souligné que les cantons pouvaient introduire un salaire minimum si nécessaire. Et le Tribunal fédéral a confirmé cette compétence.
Des exceptions à la baisse
Une mise en œuvre de la motion Baumann constituerait une violation flagrante de la Constitution et un sabotage du partenariat social. Les CCT pourraient être dévoyées dans le but d'affaiblir encore davantage un droit du travail déjà bien fluet et de contourner la volonté du législateur. Au lieu de garantir de meilleures conditions que les normes minimales légales pour les salarié-e-s, elles permettraient au contraire de faire des exceptions, à la baisse. Il serait aussi dangereux que scandaleux que les CCT puissent servir d'instrument pour faire baisser les salaires légaux.
Il est inquiétant que cette atteinte à la souveraineté des cantons vienne précisément de la part du Conseil des États. La motion s'attaque en effet aux salaires des employé-e-s dans les régions frontalières des cantons de Neuchâtel et du Jura, mais aussi au Tessin et à Bâle, où une loi cantonale sur le salaire minimum fait actuellement l'objet d'un débat. Il faut espérer que la nouvelle Chambre des États suivra la proposition du Conseil fédéral, des cantons et des syndicats et rejettera la motion Baumann au lieu de torpiller la paix sociale en Suisse.
Les intentions et les méthodes du motionnaire sont particulièrement dangereuses en cette période précédant la votation sur l'initiative de l'UDC. Les cantons frontaliers avaient introduit des salaires minimaux cantonaux comme une des mesures pour lutter contre la pression sur les salaires dans le cadre de la libre circulation des personnes. Ces cantons se verraient désormais privés de cet outil par le Parlement : du pain béni pour l'initiative " de limitation " !