Le Conseil fédéral s’est prononcé la semaine dernière en faveur d’une augmentation des amendes en cas de sous-enchère salariale de 5000 à 30 000 francs. Voilà au moins un pas qui va dans la bonne direction. Mais, d’autre part, il a renvoyé la mise en œuvre de cette décision aux calendes grecques, en tout cas pas avant les élections fédérales. Le Parlement ne statuera, si tel devait vraiment être le cas, sur ces amendes plus élevées qu’après la consultation sur la Loi sur le travail au noir, soit début 2016 seulement. Quant à toutes les autres améliorations nécessaires pour protéger les salaires, elles ont été gelées par le Conseil fédéral.
Les salarié-e-s qui sont victimes de sous-enchère salariale n’y comprennent plus rien. Des amendes de 5000 francs sont bien trop basses. Plus d’un employeur va faire le calcul : avec des amendes aussi basses, la sous-enchère salariale est rentable. Pour pouvoir sévir contre les employeurs sans scrupules qui font de la sous-enchère salariale et usent d’astuces déloyales pour contourner les conditions de travail minimales, il faut enfin instaurer des mesures efficaces.
Le Conseil fédéral fait le jeu de ceux qui exercent de la sous-enchère salariale et de leurs relais au Parlement. Sous l’impulsion de l’UDC, une coalition d’employeurs a vu le jour à droite qui veut non seulement empêcher toute amélioration de la protection des salarié-e-s, mais aussi carrément démanteler les mesures de protection. Si le Conseil fédéral joue la montre, le danger augmente que cette coalition d’employeurs ne bloque finalement tout.
Barrer la route à ceux qui font de la sous-enchère salariale
Les victimes sont celles et ceux qui ont des salaires modestes ou moyens et qui travaillent dans la construction ou l’industrie, mais aussi dans les professions des services, du nettoyage à l’informatique. De nombreux employeurs suisses ou étrangers ne versent pas des salaires suisses. Leur pratiques sont même parfois criminelles quand ils engagent de faux-indépendants ou établissent de fausses fiches de salaires. C’est ce qu’attestent les cas rendus publics ces derniers mois dénonçant des salaires effectifs de 8 à 10 euros de l’heure. Si l’on ne barre pas la route à ceux qui font de la sous-enchère salariale, le niveau des salaires va reculer dans toute la Suisse. La situation s’est déjà dramatiquement aggravée dans les régions frontalières. Elles ressentent fortement les effets du franc fort et au Tessin par exemple, la crise et le taux de chômage élevé en Italie se fait aussi sentir.
Les syndicats font depuis longtemps pression pour que les salaires soient mieux protégés, et donc pour un durcissement des mesures d’accompagnement. Or, en plus d’amendes plus élevées, l’arrêt du travail quand un soupçon de sous-enchère salariale pèse clairement ainsi qu’un renforcement des contrôles sont prioritaires. Si les contrôleurs imposent aux entreprises prises sur le fait de sous-payer des salarié-e-s d’arrêter immédiatement les travaux, le dumping cesse aussitôt. Aucun maître d’ouvrage ne va prendre le risque de mettre sens dessus dessous la planification et l’organisation de son chantier et ainsi provoquer un chaos total à cause d’un cas de sous-enchère salariale. Il va donc d’abord s’assurer que les conditions de travail sont en règle.
Il est faux d’attendre
Le Conseil fédéral a argumenté qu’il voulait attendre la décision sur la loi d’application de l’initiative contre l’immigration de masse avant de parler du renforcement des mesures d‘accompagnement. Cette position est fausse à plus d’un égard. Si la population a l’impression que les salaires suisse sont menacés, la méfiance envers les Accords bilatéraux augmentera. Un éventuel référendum n’aurait alors plus guère de chance de succès. Les contingents ne peuvent remplacer les contrôles des salaires et les amendes du fait que les employeurs feraient travailler plus de monde au noir. Les statistiques salariales montrent que la main d’œuvre sans passeport suisse était plus mal payée sous l’ancien régime des contingents. En outre, avec son « concept de mise en œuvre », le Conseil fédéral alimente même le dumping salarial : alors que les postes fixes occupés par de la main-d’œuvre étrangère seraient limités pour les employeurs suisses, les entreprises étrangères qui versent de bas salaires ainsi que le personnel temporaire auraient toujours un accès illimité au marché du travail (pas de limitation pour les travailleurs détachés, à savoir pour les embauches allant jusqu’à 90 jours). Cela conduit inéluctablement à une augmentation des pressions sur les salaires, du fait que les permis de courte durée sont particulièrement difficiles à contrôler alors que c’est là que le risque de sous-enchère salariale est le plus élevé.
On a promis à la population suisse de verser des salaires suisses en Suisse. Les syndicats exigent que cette promesse soit tenue. Les amendes doivent être aussi rapidement que possible majorées, les cantons doivent pouvoir arrêter les travaux sur demande des contrôleurs quand un soupçon de sous-enchère pèse et les contrôles doivent être renforcés.