La protection des salaires est la condition pour qu’une ouverture face à l’Union européenne (UE) serve aux travailleuses et travailleurs. Lors d’entretiens avec le Conseil fédéral, les employeurs et l’Administration fédérale, l’USS s’est donc engagée pour trouver des solutions aux problèmes relatifs à la protection des salaires. Après des mois de discussions, force est de constater qu’aucun engagement ferme ne se trouve actuellement sur la table, mis à part des détériorations par rapport à la situation actuelle. Ni les employeurs, ni la Commission européenne n’ont ouvert la porte à des solutions qui garantiraient les salaires des travailleuses et travailleurs. Au contraire : les conditions de travail suisses et le service public sont menacés. C’est pourquoi les délégué-e-s de l’USS ont détaillé et présenté dans une résolution ce qui doit être la base pour des discussions fructueuses avec l’UE et les partenaires sociaux. Une garantie contraignante de la protection autonome des salaires en fait partie. Les mesures d’accompagnement doivent être améliorées et non affaiblies. L’USS rejette la reprise de la réglementation européenne sur le remboursement des frais professionnels, car cette seule mesure peut représenter pour les salarié-e-s 1000 francs par mois de revenu en moins. Les délégué-e-s de l'USS s’opposent également à l’ouverture totale du marché de l’électricité et à une libéralisation dans les transports publics. La Confédération européenne des syndicats (CES) continue de soutenir l’USS dans son combat pour des mesures d’accompagnement fortes, afin que l’ouverture économique profite aussi aux travailleuses et travailleurs – pour une Suisse sociale et une Europe sociale.
Voici la résolution telle qu’adoptée par l’Assemblée des délégué-e-s de l’USS :
L’USS s’engage pour une Suisse sociale et ouverte et reconnaît toute l’importance de l’Union européenne (UE) pour le développement pacifique et la coopération en Europe. Elle soutient fondamentalement l’ouverture par rapport à l’UE.
La fin de l’indigne statut de saisonnier et l’introduction de la libre circulation des personnes avec des mesures d’accompagnement efficaces ont constitué d’importants pas vers des salaires et des conditions de travail meilleurs, pour lesquels les syndicats se sont battus. L’accord-cadre de 2018 aurait au contraire dégradé la protection des salaires et le service public. C’est pourquoi l’USS s’est prononcé contre lui. Par la suite, le Conseil fédéral a décidé de redémarrer à zéro sur ce dossier et d’engager des discussions exploratoires avec l’UE. Il veut adopter à la fin juin les grandes lignes d’un mandat de négociation.
La manière dont ces discussions exploratoires ont évolué jusqu’ici est inquiétante. La protection des salaires et le service public ne sont pas garantis. C’est d’autant plus dangereux qu’il y a en Suisse des forces qui mésusent des discussions avec l’UE pour faire passer leurs programmes de libéralisations. Et parce que les représentant-e-s de la Commission européenne posent des exigences préjudiciables aux salarié-e-s détenteurs d’un passeport de l’UE ou suisse. La Confédération européenne des syndicats (CES) les a aussi vivement critiqués à ce sujet et se tient fermement aux côtés de l’USS.
En ce qui concerne la protection des salaires, tant l’application paritaire des CCT que des instruments importants comme le blocage des prestations de services et la caution ne sont pas préservés de manière contraignante dans les discussions avec l’UE. La Commission européenne exige même que les entreprises de l’UE n’aient pas à verser à leurs employé-e-s travaillant en Suisse des dédommagements pour frais professionnels correspondant aux coûts suisses, mais uniquement ce qui est prévu dans leur pays d’origine. Cette seule mesure peut représenter pour les salarié-e-s 1000 francs par mois de revenu en moins. Cette attitude hostile aux salarié-e-s de la part des représentant-e-s de la Commission européenne responsables du dossier suisse est d’autant moins compréhensible que des centaines de milliers de citoyen-ne-s de l’UE ne pourraient plus profiter de la protection suisse des salaires.
Lors d’entretiens avec le Conseil fédéral, les employeurs et l’Administration fédérale, l’USS s’est engagée pour que les problèmes relatifs à la protection des salaires trouvent une solution. Contrairement à ce que les médias suggèrent depuis des mois, aucun engagement ferme ne se trouve actuellement sur la table, mis à part des détériorations de la situation actuelle. Les employeurs suisses, qui s’engagent activement pour un accord-cadre, ne s’opposent pas à une dégradation de la protection des salaires et ne tendent pour l’heure pas la main pour des améliorations qui préserveraient les salaires des travailleurs et travailleuses.
La protection des salaires est devenue plus difficile ces dernières années avec la prolifération de la sous-traitance et du travail temporaire. La base des CCT suisses s’érode peu à peu. Les personnes travaillant de manière temporaire ont toujours moins de droits que les employé-e-s fixes.
En ce qui concerne le service public, le débat fait fausse route. On court le risque d’une ouverture complète du marché de l’électricité, alors que la libéralisation de ce marché dans l’UE a entraîné une puissante poussée des prix ces dernières années.
Dans le trafic ferroviaire aussi, on risque une ouverture du marché mal comprise, ainsi qu’une sous-enchère des salaires, mais aussi des prix. L’Office fédéral des transports (OFT) veut profiter des négociations avec l’UE pour réaliser son rêve d’introduire les « Flixtrains » en Suisse. L’OFT remet ainsi en question le système suisse de coopération qui a fait ses preuves et que nos voisins nous envient.
L’USS est par contre a priori favorable à une reprise de la directive sur la citoyenneté. Il s’agit d’une amélioration du statut juridique des salarié-e-s dans l’espace européen.
Sous la pression des syndicats et des forces sociales des pays, l’UE a décidé d’améliorer la protection des salaires et des travailleurs et travailleuses à travers la directive sur les salaires minimaux et la directive sur le travail intérimaire. En collaboration avec la CES, l’USS s'engage pour qu’un accord social entre l’UE et la Suisse puisse également voir le jour. La Suisse a les salaires les plus élevés d’Europe et a donc besoin de la meilleure protection. Le service public, très important pour la population, doit être maintenu et développé.
Pour l’USS, il est clair que les discussions avec l’UE ne peuvent aboutir que sur cette base. Un mandat de négociation du Conseil fédéral doit donc contenir les éléments suivants :
- La protection autonome des salaires doit être assurée. Il faut des garanties contraignantes pour que les CCT puissent continuer à être appliquées de façon paritaire. Et la Suisse doit pouvoir continuer à utiliser des instruments tels que le blocage des prestations de services, les interruptions de travail et la caution pour lutter efficacement contre la sous-enchère.
- L’USS rejette la reprise de la réglementation européenne sur les frais professionnels, selon laquelle les employé-e-s de l’UE en Suisse ne reçoivent plus le dédommagement des frais suisses.
- En matière de protection des salaires, la Suisse doit renforcer la prévention : les mandats et travaux devraient être attribués aux entreprises qui versent des salaires corrects. Pour ce faire, les mandants devront utiliser les informations numériques issues des contrôles des salaires. De plus, la Suisse devrait introduire une responsabilité civile du maître d’ouvrage. Si la prévention est renforcée et qu’en même temps, la procédure d’annonce auprès de la Confédération est améliorée au niveau numérique, la Suisse pourrait également réduire progressivement le délai d’annonce préalable de 8 jours sans que la protection des salaires s’en trouve détériorée.
- Il faut stopper l’érosion rampante de la protection des salaires. Les conditions pour l’extension des CCT doivent être adaptées à la réalité actuelle : le quorum des employeurs doit notamment être modifié. Les travailleurs et travailleuses temporaires doivent être engagés aux mêmes salaires que les employé-e-s fixes. La Suisse pourrait reprendre ici les directives de l’UE sur les salaires minimaux et le travail intérimaire.
- L’USS soutient l’importante coopération de la Suisse avec l’UE dans le domaine de la haute tension électrique. Mais elle s’oppose à une ouverture totale du marché de l’électricité.
- Les transports publics en Suisse ne doivent pas être affaiblis. L’USS s’oppose à une ouverture du marché dans ce domaine. Il en va de même pour le mécanisme d’examen des aides d’État qui affaiblirait les transports publics.
- Les améliorations qui résulteraient de l’adoption de la directive européenne sur la citoyenneté constitueraient un progrès. Les ressortissant-e-s de l’UE bénéficieraient d’une meilleure protection sociale et de droits accrus en cas de difficultés économiques.
- La conclusion d’un accord dans le domaine de la santé publique et de la gestion des crises serait positive pour la Suisse. En revanche, une réduction des subventions publiques dans le domaine de la santé, potentiellement imposée dans ce cadre par le droit des aides d’État, n’est pas négociable. Ces aides sont déjà trop faibles aujourd’hui.
- L’USS soutient les contributions de cohésion versées à l’UE. Ces contributions pourraient aussi être augmentées. Elles représentent un instrument de solidarité important pour réduire les différences de revenu en Europe. La remise en route rapide des projets de coopération suspendus entre la Suisse et l’UE serait également une bonne nouvelle. La Suisse et l’UE ont un intérêt commun considérable à coopérer étroitement dans la recherche, la culture et la formation