Les pouvoirs publics, soit la Confédération, les cantons et les communes, jouent un rôle important dans l’économie suisse. Près de 8 % du produit intérieur brut, le PIB, proviennent de leurs acquisitions et de leurs mandats. Plus de 300 000 emplois dépendent des marchés publics. La puissance détenue par la Confédération, les cantons et les communes est de ce fait essentielle pour le marché suisse du travail. Elles n’en sont donc que plus importantes, ces règles qui veillent à ce que, lors de marchés publics, les travailleurs et travailleuses soient correctement rémunérés par les producteurs et les fournisseurs de marchandises et de services et leurs conditions de travail décentes. Et il est tout aussi important que les réglementations arrêtées par les partenaires sociaux soient respectées.
Avec le message sur la révision totale des marchés publics de la Confédération dont va s’occuper le Conseil national, c’est toutefois absolument l’inverse qui nous est proposé. L’Union syndicale suisse (USS) n’est pas d’accord, tout comme Travail.Suisse et les syndicats Unia et Syna.
Du point de vue des travailleurs et travailleuses, les principales revendications sont le maintien du principe du lieu d’exécution de la prestation, la limitation des chaînes de sous-traitants, le respect des conventions collectives de travail (CCT) et l’implication des entreprises publiques.
Un « salaire égal pour un travail égal au même endroit »
Si la volonté du Conseil des États devait s’imposer, il y aurait plus de sous-enchère salariale en Suisse demain. Ici, les mots-clés sont : principe du lieu d’exécution de la prestation ou principe du lieu de provenance de l’entreprise. Donc, ou bien c’est l’application uniforme du niveau salarial du lieu où la prestation est fournie qui prévaut, ou bien ce sont les différents niveaux de salaire selon les lieux de provenance des soumissionnaires qui servent de référence. Bref, il s’agit de savoir s’il existe une concurrence loyale entre les entreprises, avec les mêmes conditions ou si l’on en arrive à une concurrence dommageable aux employé-e-s entraînant finalement une spirale à la baisse. Pour l’USS et les syndicats, il est clair qu’il faut en rester au principe équitable du lieu d’exécution de la prestation.
Non aux chaînes de sous-traitance
On ne doit pas tout faire soi-même. De nombreuses bonnes expériences ont été faites, précisément dans la construction, avec des entreprises générales. Celles-ci coordonnent les travaux et assument la responsabilité en ce qui concerne le respect des cadres fixés en matière de coûts et de durée, mais ne fournissent pas elles-mêmes l’ensemble des prestations. Elles transmettent par exemple le gros œuvre à une autre entreprise, les travaux de couverture à une deuxième et l’installation sanitaire à une troisième. A priori, rien à redire à une telle réglementation avec des sous-traitants. Mais il est par contre absurde que les pouvoirs publics autorisent une chaîne sans fin de sous-traitants, avec laquelle le carreleur mandate un sous-traitant qui, à son tour, en mandate un autre…
On perd alors toute vue d’ensemble quant à l’observation des conditions de travail et salariales. Plus la chaîne de sous-traitants est longue, plus il est probable qu’il y aura des cas de sous-enchère salariale et sociale. Ces derniers temps, on a toujours plus souvent assisté, avec ce genre de structures, à des faillites abusives ou frauduleuses et à des fraudes aux assurances sociales. Pour ces raisons, il faut que le Parlement décide qu’il ne doit y avoir qu’un seul niveau de sous-traitance pour la même prestation, ainsi que la Commission des redevances et de l’économie du Conseil des États aussi l’a prévu. Impossible sinon de limiter les abus et les fraudes.
Les règles des CCT doivent être appliquées et leur application contrôlée
En outre, les maîtres d’ouvrage publics doivent faire contrôler la conformité des entreprises soumissionnaires aux CCT. Et sur la base des contrôles qui auront effectivement eu lieu, les organes paritaires d’exécution de la CCT pourront simplement confirmer que les entreprises soumissionnaires et, éventuellement, les sous-traitants ont été contrôlés quant au respect par eux des conditions de travail et salariales et qu’aucune infraction de leur part n’a été constatée. Une formulation à ce sujet a déjà été développée dans l’ordonnance sur les travailleurs détachés. Elle est donc praticable et garantit à la fois transparence et sécurité.
Les mêmes règles pour les entreprises publiques
Qu’un service public soit proposé par une institution publique ou sous la forme juridique d’une entreprise contrôlée par les autorités publiques ne doit pas entraîner de différence de qualité concernant les normes appliquées. Ce n’est qu’en soumettant des entreprises comme Swisscom aux règles en vigueur pour les marchés publics que l’on peut assurer qu’à l’avenir, les mandats ne seront confiés qu’à des entreprises qui respectent les conditions de travail et salariales usuelles dans la région et la branche.
Synthèse
Si les pouvoirs publics doivent procéder à des achats, il faut que des conditions de travail équitables soient la norme. La révision totale de la loi fédérale sur les marchés publics prévue devra créer la base permettant d’empêcher que l’argent public ne mette en danger les normes sociales, mais au contraire les garantisse. Les syndicats en appellent par conséquent au Conseil national pour qu’il s’engage en faveur de telles réglementations.