Le Tribunal fédéral met les points sur les i

  • Droit du travail
  • Protection de la santé et sécurité au travail
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Écrit par Jean Christophe Schwaab

Le Tribunal fédéral (TF) vient de confirmer une décision du Secrétariat d’État à l’économie, le SECO, interdisant le travail de nuit dans les officines (ou « shops ») de stations-service pour des activités relevant du commerce de détail (en particulier la nourriture), même si du personnel est présent pour la vente de carburant et la petite res-tauration. Il faut saluer cette décision, qui met un frein à la libéralisation rampante des ouvertures des commerces et des horaires de travail.

L’arrêt du TF a aussi le mérite de rappeler les principes qui régissent les exceptions à l’interdiction d’employer du personnel la nuit. Ces exceptions ne sont possibles que pour des raisons économiques impérieuses et ne sont pas justifiables par un vague « besoin des consommateurs », la « demande du marché » ou la présence de personnel assigné à d’autres tâches (p. ex. la vente de carburant) pendant la nuit. Le TF a tapé sur le clou et rappelé que le travail de nuit est néfaste pour la santé, la vie sociale et familiale des travailleurs et travailleuses concernés, autant d’intérêts publics que l’on ne saurait sacrifier à l’intérêt privé de ceux qui souhaitent consommer n’importe quoi n’importe quand. Les exceptions à l’interdiction du travail de nuit ne doivent donc être admises qu’exceptionnellement et de manière restrictive. Le TF a également rappelé à juste titre qu’il est parfaitement possible de ne compter que sur les heures d’ouverture existantes pour se procurer les produits de consommation courante.

Mais la lutte pour empêcher une libéralisation totale des horaires d’ouverture des commerces est loin d’être finie. En effet, les partisans de la loi de la jungle en matière d’horaires de travail ont passé à l’offensive au Parlement fédéral. Le libéral-radical genevois Christian Lüscher, piloté par l’association zurichoise « IG Freiheit », a en effet déposé une initiative parlementaire visant à libéraliser totalement les heures d’ouverture des officines de stations-service, une initiative qui sera traitée en commission à fin août. Pour la deuxième fois, on tentera donc d’imposer à l’ensemble du pays les vues d’une minorité de consommateurs zurichois. Car les stations-services concernées se trouvent toutes dans le canton de Zurich et, à ce jour, aucune tentative d’élargir les horaires n’a été signalée ailleurs. Un précédent avait eu lieu lors de la libéralisation du travail dominical dans les grandes gares, elle aussi partie de Zurich suite à un refus du TF de laisser les commerces de sa gare centrale vendre n’importe quoi le dimanche.

Le parallèle avec les ouvertures dominicales dans les grandes gares ne s’arrête d’ailleurs pas là : la libéralisation des horaires des officines de stations-service fait partie de la stratégie du saucisson visant à faire avaler par petites tranches fines à la population une libéralisation totale du travail nocturne et dominical à laquelle elle s’est maintes fois opposée dans les urnes. Entre ces deux tranches, il y avait encore eu la possibilité pour les cantons d’autoriser le travail dominical dans tous les commerces jusqu’à quatre dimanches supplémentaires par an, possibilité qu’ont d’ailleurs refusée de nombreux cantons, dans les parlements ou dans les urnes, lors de victoires référendaires des syndicats.

Il est enfin piquant de constater que, le jour de la publication de l’arrêt du TF, c’était la compagnie pétrolière BP, exploitante des stations-service zurichoises concernées, qui montait au créneau pour se plaindre d’un jugement qu’elle considère « contraire au bon sens ». Pour une entreprise engluée jusqu’au cou dans une marrée noire provoquée par des manquements aux prescriptions de sécurité, il fallait oser !

 

Responsable à l'USS

Luca Cirigliano

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