Le licenciement de Marisa Pralong doit être annulé !

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Écrit par Paul Rechsteiner

La liberté syndicale, soit le droit de s’affilier à un syndicat et de participer à des activités syndicales, fait partie – au même titre que l’interdiction du travail des enfants ou celle du travail forcé – du noyau intangible des droits des travailleurs. De tels droits s’appliquent dans le monde entier, indépendamment de leur reconnaissance ou non par les États. L’Organisation internationale du travail (OIT), qui promeut un travail décent pour tous, a son siège en Suisse. Notre pays a reconnu la liberté syndicale aussi bien dans la Constitu­tion fédérale (art. 28 Cst.) que dans les conventions internationales qu’elle a ratifiées. Concrètement, la Suisse est tenue de respecter les pactes des Nations Unies relatifs aux droits de l’homme, la Convention européenne des droits de l’homme, de même que les conventions 87 et 98 de l’OIT. Or tous ces textes garantissent le droit de s’affilier à un syndicat et de participer à des activités syndicales.

Au vu de cette situation juridique, le licenciement de la déléguée syndicale Marisa Pra­long faisant suite à ses activités syndicales viole des droits fondamentaux élémentaires que toute démocratie se doit de garantir. Par conséquent, un tel acte ne lèse pas seulement les intérêts individuels de Marisa Pralong. Il s’agit en même temps d’une attaque fla­grante contre le droit de s’engager sur le plan syndical. Et en dernier lieu d’une attaque contre les syndicats et la défense des intérêts des travailleurs, lesquels ont besoin des syn­dicats pour assurer la protection de leurs conditions de travail. Le licenciement de Marisa Pralong doit donc être annulé.

Cette exigence vaut malgré les lacunes de la législation suisse sur le travail. Les droits fondamentaux – et donc la liberté syndicale – restent valables même si le Code des obli­gations ne prévoit pas une protection suffisante contre les licenciements, en l’occurrence l’annulation des licenciements contraires aux droits fondamentaux. Comme le droit suisse ne garantit pas la protection contre les licenciements antisyndicaux, l’Union syndicale suisse (USS) a déposé en 2003, pour la première fois de son histoire, une plainte auprès du Comité de la liberté syndicale de l’OIT. L’action a abouti et en novembre 2006, ce comité a invité la Suisse à garantir un régime de protection contre les licenciements anti­syndicaux qui prévoie l’annulation du licenciement et le réengagement, par analogie aux cas de licenciements discriminatoires en raison du sexe. Ce précédent ne restera pas sans conséquences.

Ainsi, au cas où le licenciement contraire aux droits fondamentaux de Marisa Pralong ne serait pas annulé, nous n’hésiterons pas à soumettre cette nouvelle atteinte à la liberté syndicale au Comité de la liberté syndicale de l’OIT. Quiconque prétend, comme le font les autorités suisses, que les licenciements abusifs pour motifs antisyndicaux ne consti­tuent pas un problème concret en Suisse, devra alors se rendre à l’évidence. D’autant plus que l’OIT (et son Comité de la liberté syndicale) siège à Genève.

Le licenciement de Marisa Pralong intervient à une époque où même les États-Unis ont réalisé que la dégradation systématique des droits des travailleurs (et des salaires), rendue possible par l’affaiblissement des syndicats, a des conséquences désastreuses au niveau tant social que macro-économique. Le programme électoral d’Obama, que Walmart a combattu à coups de millions, prévoyait en particulier l’adoption de l’Employee Free Choice Act (EFCA), projet de loi facilitant la représentation syndicale dans les entrepri­ses. Si en Suisse un grand groupe privé croit pouvoir fouler aux pieds les droits syndicaux fondamentaux, comme cela vient de se passer avec Marisa Pralong, il se trompe lourde­ment.

Responsable à l'USS

Luca Cirigliano

Secrétaire central

031 377 01 17

luca.cirigliano(at)sgb.ch
Luca Cirigliano
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