La revendication d’un traitement global de la tragédie de l’amiante présentée par l’Union syndicale suisse (USS) et les associations de victimes de l’amiante portent ses premiers fruits. Le Conseil fédéral a convoqué une table ronde chargée de trouver des solutions consensuelles concernant les victimes de l’amiante qui ne peuvent pas bénéficier des prestations de l’assurance-accidents obligatoire. Mais cela ne va pas assez loin. Il faut, lors de la révision en cours du droit de la prescription, prévoir des mesures qui aident ces personnes à faire valoir leurs droits. Il faut aussi que le Parlement maintienne la pression sur les entreprises qui sont à l’origine de la catastrophe de l’amiante.
Le droit suisse de la prescription en matière civile est en pleine révision. L’actuel délai de prescription de dix ans ne correspond pas aux connaissances scientifiques en matière d’atteintes à la santé sur une longue durée suite à un contact avec des substances dangereuses comme l’amiante, c’est-à-dire en matière de risques émergents. C’est ce qu’un arrêt de la Cour européenne des droits de l’homme vient d’établir clairement. Elle a en effet constaté que, dans le cas de personnes malades à cause de l’amiante, le droit suisse de la prescription viole la Convention européenne des droits de l’homme (CEDH).
Le droit suisse de la prescription doit être conforme à la CEDH
Nous devons profiter de la révision du droit de la prescription pour introduire une nouvelle réglementation des délais de prescription, qui tienne compte des victimes de l’amiante, soit une réglementation qui permette aux personnes malades à cause de l’amiante de demander des dommages-intérêts ainsi qu’une réparation morale. Le délai qui tient le mieux compte de la longue durée du temps de latence des maladies dues à l’amiante ne doit commencer à courir qu’à partir de l’apparition de celles-ci. Éventuellement, on pourra limiter cette réglementation aux maladies causées par l’amiante.
Une solution globale à la tragédie de l’amiante est nécessaire
Mais une telle réforme ne suffira pas pour en arriver à une solution globale. Il faut aussi créer un fonds alimenté par les entreprises qui ont été en rapport à l’époque avec l’amiante. Ce fonds devra rendre justice aux personnes déjà malades. Mais la prévention en matière de maladies liées à l’amiante devra également être renforcée ces prochaines années. En outre, les importantes dépenses que fait déjà la SUVA en rapport avec la problématique de l’amiante et celles qui l’attendent encore ne doivent pas être unilatéralement répercutées sur quelques branches des arts et métiers. Ici, il faut un juste équilibre au sein de tout le collectif des assurés.
Une motion plus nécessaire que jamais
La motion « Fonds pour une indemnisation juste des victimes de l’amiante » déposée par la Commission des affaires juridiques du Conseil national demande au Conseil fédéral la création d’un fonds destiné à l’indemnisation complète selon le droit de la responsabilité civile des victimes de l’amiante qui n'ont pu obtenir de réparation, ou seulement une réparation incomplète, auprès d'un responsable civil ou contractuel en raison de l'écoulement du temps.
Cela va plus loin que la proposition de table ronde du Conseil fédéral. Celui-ci charge en effet les participant(e)s à cette dernière de trouver des solutions consensuelles pour les personnes affectées par l’amiante et leurs proches qui n’ont pas droit aux prestations de l’assurance-accidents obligatoire. Les autres personnes concernées par l’amiante ne pourraient donc pas profiter du fonds, ce qui est problématique, si bien que la solution de fonds de la Commission juridique reste suivant les cas nécessaire.
De plus, il y a lieu de craindre qu’en l’absence de la pression qu’exercerait sur eux la motion du Conseil national, les représentant(e)s des entreprises invités à la table ronde, qui ont pour leur part provoqué la tragédie de l’amiante en violant leurs devoirs de diligence lors de l’importation, la production et la transformation de cette substance des plus dangereuses, ne sabotent les travaux de la table ronde.
C’est pourquoi l’USS demande au Conseil national de prendre au sérieux la souffrance des personnes malades à cause de l’amiante et de faire passer le bon message en adoptant la motion de sa commission.