Un ou une représentant(e) syndical peut toucher au plus six mois de salaire lorsque son licenciement a été reconnu abusif par un tribunal. Dans les faits, il ne s’agit la plupart du temps que de deux ou trois mois. Et pourquoi faut-il aussi leur donner le droit d’être réintégré ?
Le système n’exclut pas d’office une réintégration
La protection contre le licenciement prévue à l’article 10 de la loi sur l’égalité (LEg) prévoit la possibilité d’annuler un licenciement lorsqu’il a été prononcé pour une personne qui s’est opposée à une discrimination. Dans le message du Conseil fédéral concernant la LEg, le Conseil fédéral estime que les articles 336ss CO « n’offrent pas une protection suffisante », notamment en cas de congés de rétorsion, pour lesquels, « une protection accrue se justifie ». Or, les licenciements antisyndicaux sont souvent prononcés en représailles à une action syndicale légale. Ils s’apparentent donc aux congés-rétorsion contre lesquels la LEg apporte une protection.
En outre, le gouvernement juge qu’une annulation du licenciement est nécessaire « si l’on entend permettre aux travailleuses d’exercer leurs droits pendant le rapport de travail déjà… ». Protéger les syndicalistes contre le licenciement antisyndical poursuit un même objectif : permettre aux travailleurs et travailleuses d’exercer leurs droits fondamentaux (liberté syndicale) sur leur lieu de travail, et non pas uniquement une fois les rapports de travail terminés.
Marginalisation
Le travailleur victime d’un licenciement abusif est souvent mis au ban de sa branche pendant toute la durée des procédures judiciaires (contestation du licenciement, procès, recours), ce qui peut durer de nombreuses années. Durant cette période, il risque d’être marginalisé au sein de sa propre branche et de se retrouver au chômage, voir d’être contraint de recourir à l’aide sociale. Même s’il finit par obtenir réparation, l’indemnité d’au maximum six mois de salaire ne permet en général pas de réparer le préjudice subi durant plusieurs années.
L’obstacle de la peur
Un licenciement antisyndical frappe en général une personne connue par ses collègues pour son engagement syndical et fait très peur au reste du personnel de l’entreprise, voire de la branche et de la région concernées. Les gens oseront ainsi encore moins devenir un jour des militant(e)s syndicaux actifs. Pareille mise au pas des salarié(e)s est incompatible avec un partenariat social reposant sur une discussion entre partenaires égaux.
Contraire au droit international
La jurisprudence constante du Comité de la liberté syndicale de l’OIT exige la possibilité de réintégration en cas de licenciement antisyndical, faute de quoi la législation ne respecte pas la convention 98.
Tous nos pays voisins connaissent la possibilité d’annuler le licenciement d’un(e) syndicaliste ou d’un membre d’une commission du personnel. En Autriche et en France, le licenciement d’un(e) représentant(e) du personnel ou d’un(e) délégué(e) syndical n’est possible qu’avec l’accord d’un(e) juge ou d’un(e) inspecteur/inspectrice du travail. En Italie, un juge peut ordonner la réintégration immédiate d’un(e) syndicaliste licencié abusivement. En Allemagne, le licenciement d’un(e) représentant(e) du personnel n’est possible qu’avec l’accord de la commission d’entreprise.