Au fond, la liberté, c’est toujours quelque chose de bien. La libre circulation des personnes aussi et, donc, le droit de pouvoir travailler dans un autre pays sans passer par parcours du combattant bureaucratique et d’autres obstacles insurmontables. Il y a cependant un « hic » : ce qui ne promet, au premier coup d’œil, que des avantages aux gens qui font preuve d’initiative, recèle en réalité un grand potentiel de dangers pour le marché du travail. Les personnes qui peuvent travailler dans un pays économiquement très supérieur au leur sont plutôt disposées à le faire à des conditions moins bonnes que les conditions usuelles, parce que, de toute façon, elles gagnent plus que dans leur pays. Et les employeurs des pays de migration peuvent ainsi exulter de pouvoir puiser dans un réservoir de main-d’œuvre bon (meilleur) marché. C’est à cause de ces dangers que l’USS a, dès le départ, fait clairement dépendre son acceptation de la libre circulation des personnes de la mise en place de mesures d’accompagnement efficaces contre la sous-enchère salariale.
Les mesures d’accompagnement protègent les salaires et les conditions de travail suisses
En suivant leur ligne : oui à la libre circulation des personnes, mais pas sur le dos des salaires et des conditions de travail, les syndicats ont enregistré quelques succès. Grâce aux mesures d’accompagnement, 150 inspecteurs et inspectrices effectuent des contrôles dans tout le pays et peuvent infliger des amendes si nécessaire. Dans les cantons et à la Confédération, des commissions tripartites surveillent le marché du travail. Si elles constatent que les salaires suisses font l’objet de pressions, elles peuvent introduire des salaires minimaux. Ainsi, dans les cantons de Genève et du Tessin, des salaires minimaux ont été édictés pour l’économie domestique, les esthéticiennes et le personnel des centres d’appels. Grâce aux mesures d’accompagnement aussi, d’importantes conventions collectives de travail (CCT) ont été étendues, c’est-à-dire rendues de force obligatoire (nettoyage en Suisse alémanique, sécurité et construction en bois). De ce fait, les anciens moutons noirs doivent désormais respecter les conditions de travail usuelles. Enfin, les syndicats sont parvenus à améliorer substantiellement ces mesures durant les derniers mois.
Les accords bilatéraux sont indispensables aux salarié(e)s de Suisse
On peut aussi voir les choses sous un autre angle et se demander ce qu’il adviendra si c’est le non qui s’impose le 8 février. La réponse à cette question est évidente : tous les autres accords bilatéraux conclus avec l’UE tomberont au minimum pour un certain temps, ce qui aura de graves conséquences. La Suisse est en effet un petit pays qui a besoin d’entretenir des relations clairement définies et de collaborer étroitement avec l’UE, ce que garantissent précisément les accords bilatéraux en vigueur. Si bien que, si ces derniers devaient être caducs, des emplois seraient menacés en Suisse, ainsi que le niveau des salaires, que ce soit en raison d’une baisse des exportations ou de délocalisations.
Ne jouons pas avec le feu
Les autorités ont donc raison de souligner les avantages apportés à la Suisse par les accords bilatéraux. Mais elles seraient aussi bien avisées de faire en sorte que toute sous-enchère salariale disparaisse. C’est pourquoi, malgré sa « profession de foi » en faveur du OUI, l’USS maintient qu’en matière de travail intérimaire, une offensive est nécessaire pour imposer l’application des normes légales. Et le président Hans Rudolf Merz ne doit pas oublier que sa proposition d’un droit des marchés publics prévoyant l’abandon, pour les entreprises suisses, du respect des conditions de travail du lieu de la prestation, pourrait empoisonner non seulement la paix sociale dans nos frontières, mais aussi nos relations avec l’UE.