Après avoir traversé en cortège le centre de Berne, près de 400 travailleurs et travailleuses de la construction et syndicalistes ont déposé, le 20 novembre dernier, à la Chancellerie fédérale, une pétition munie de plus de 27 000 signatures. Elle demande au Conseil national d’adopter, lors de la prochaine session, une responsabilité solidaire digne de ce nom afin de protéger les salaires suisses contre les entrepreneurs de la construction qui essaient de faire un maximum de profits, en renvoyant à des sous-traitants la responsabilité de respecter les salaires.
Ce qui s’est passé ces derniers mois sur des chantiers suisses est inimaginable. Pour augmenter leurs bénéfices, des entreprises suisses de la construction ont fait travailler des Portugais pour trois ( !) euros de l’heure, à Aclens, dans le canton de Vaud. À Genève, des maçons français n’ont touché que dix euros de l’heure, et il est apparu que le salaire de plâtriers polonais occupés à Saint-Gall était la moitié du salaire minimum prescrit par la convention collective de travail. Et ce ne sont là que quelques exemples parmi tant d’autres. Le principe appliqué est toujours le même : des entreprises suisses confient leurs mandats à des chaînes de sous-traitants, dont une partie viennent de l’étranger. Et ces sous-traitants ne versent pas les salaires contractuellement convenus, mais beaucoup moins. Le bénéfice est bien sûr empoché par l’entreprise contractante suisse, le premier maillon. La main-d’œuvre étrangère, qui doit ainsi travailler pour des salaires éhontés est clairement perdante, alors que les salaires des travailleurs et travailleurs indigènes s’en trouvent d’autant plus sous pression.
Lors de la session d’hiver, le Conseil national a la possibilité de mettre fin à ces pratiques en introduisant une responsabilité solidaire digne de ce nom. Si l’entrepreneur contractant devait répondre du respect des salaires versés et des conditions de travail appliquées par ses sous-traitants, il choisirait sans doute très soigneusement avec lesquels il entend travailler. Ou alors il ne recourrait plus à des sous-traitants. Une telle mesure pousserait hors du marché les sous-traitants pas sérieux, ce qui remettrait de l’ordre dans ce domaine. Le Conseil des États l’a déjà reconnu en votant une telle responsabilité solidaire dite « en chaîne ». Au Conseil national de le suivre et prendre au sérieux les 27 000 travailleurs et travailleuses de la construction qui ont signé la pétition. Sinon, la confiance dans les mesures d’accompagnement à la libre circulation des personnes diminuera toujours plus. Ces mesures doivent en effet faire en sorte qu’en Suisse, ce sont des salaires suisses qui sont versés.