Heures d’ouverture des commerces : la tactique du salami

  • Protection de la santé et sécurité au travail
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Écrit par Luca Cirigliano, secrétaire central de l’USS/fq

Nouvelle attaque contre la santé

On constate depuis un certain temps que les interventions parlementaires qui visent un démantèlement dramatique des conditions de travail du personnel de la vente s’accumulent. Les menaces pèsent surtout sur le temps de repos en général, dominical et nocturne en particulier. La motion Lombardi, que le Parlement fédéral va traiter sous peu, apparaît tout particulièrement dangereuse.

Première attaque : l’initiative parlementaire Lüscher (à l’origine du texte sur lequel nous voterons le 22 septembre prochain, suite au référendum des syndicats et de l’Alliance pour le dimanche), supprimera pratiquement toutes les dispositions de protection pour les magasins de stations-service, au détriment des travailleurs et travailleuses concernés et de la qualité de vie en général de toute la population. Deuxième attaque : la motion Abate, qui veut redéfinir la notion de tourisme dans la loi sur le travail (art. 25 ordonnance 2 relative à la loi sur le travail). L’interdiction stricte du travail du dimanche selon la loi sur le travail en vigueur serait affaiblie, ce qui aurait des conséquences graves sur la vie en commun et tout spécialement sur la santé des salarié(e)s, de même que sur les conditions de travail dans la vente. Les femmes seraient les  premières touchées, car elles représentent les deux tiers du personnel du commerce de détail.

La troisième attaque contre le personnel de vente est la motion « Heures d’ouverture des magasins. Garantir une concurrence équitable » déposée par le groupe vert’libéral en décembre 2012. Elle demande, sous prétexte d’égalité de traitement, que la déréglementation proposée pour les magasins de stations-service, et combattue par référendum, soit appliquée à tous les points de vente des entreprises de services (!), quel que soit leur assortiment, d’une surface égale ou inférieure à 120 m2, qui pourraient ainsi faire travailler leurs employé(e)s 24 heures sur 24 et le dimanche.

Lombardi : une motion déplacée et dangereuse

La quatrième attaque, la motion Lombardi, demande que les cantons prévoient des heures d’ouverture des commerces de détail minimales obligatoires, de 6 à 20 heures du lundi au vendredi et de 6 à 19 heures le samedi. Cela, parce que, soi-disant, ces prolongations généreraient automatiquement plus de chiffre d’affaires. Ce qui est faux.

Les cantons frontaliers de Zurich et d’Argovie connaissent déjà de telles heures d’ouverture, ce qui n’empêche pas leurs habitants d’aller faire leurs achats en Allemagne. L’explication en est avant tout la force du franc suisse. Le chef de la Migros, Herbert Bolliger, a aussi relevé dans la presse alémanique que la pression venait ici du cours de change. Mentionnons encore, pour être complet, que les comptes annuels des deux plus grands commerces de détail du pays, font état d’une hausse du chiffre d’affaires. Les chiffres sont parlants : la partie commerce de détail de la Coop a augmenté de 1,7 % en 2012, une hausse qui a même été de 2,3 % pour la Migros.

Prolonger la durée du travail comme le demande la motion Lombardi ne permettrait donc pas aux commerces d’améliorer leur chiffre d’affaires, mais porterait surtout atteinte à la santé, ainsi qu’à la vie sociale et familiale des personnes concernées. De plus,  cela ne favorise ni l’emploi ni la croissance, mais traduit la concurrence mortelle pour toujours plus de petits commerces à laquelle on se livre dans la branche. Les victimes ? Ce sont les employé(e)s du commerce de détail qui souffrent, aujourd’hui déjà, de mauvaises conditions de travail. Et ce serait à nouveau eux les premières victimes de la motion Lombardi.

Des études montrent de fait clairement que la prolongation des heures d’ouverture des commerces entraîne simplement, à prix et pouvoir d’achat inchangés, une redistribution, soit un transfert du chiffre d’affaires, qui reste inchangé lui aussi. L’idée à la base de la motion Lombardi est donc dénuée de tout fondement.

Respecter la volonté du peuple

La motion Lombardi est aussi une offensive contre la souveraineté des cantons. Ces dernières années, les syndicats ont régulièrement saisi le référendum contre des prolongations des heures d’ouverture des commerces et plus de travail nocturne ou dominical. Dans la plupart des cas, le peuple leur a donné raison. Tout derniers exemples : la votation du 17 juin 2012 dans le canton de Zurich sur une initiative qui voulait globalement libéraliser ces heures d’ouverture et fut rejetée par plus de 70 % des citoyen(ne)s et, à Lucerne, le refus, à la même date, par 54,5 % d’une prolongation d’une heure des ventes du samedi, quand Bâle-Ville faisait de même, le 3 mars 2013, sur un objet similaire. On n’a pas le droit d’ignorer ces manifestations claires et nettes de la volonté du peuple !

En acceptant la motion Lombardi, la majorité bourgeoise des Chambres fédérales a de facto mis hors d’état de marche des processus démocratiques courants dans les cantons. Cette décision est des plus inquiétantes pour le fonctionnement démocratique de notre pays.

L’Union syndicale suisse (USS) constate que l’on assiste à une course au démantèlement du droit du travail dans le secteur des services. Il s’y opposera avec toutes ses fédérations et les milieux intéressés : la motion Lombardi au Parlement et l’introduction de la journée de travail de 24 heures pour les magasins des stations-service, dans les urnes.

Responsable à l'USS

Luca Cirigliano

Secrétaire central

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