Bien emballée dans le désormais habituel discours des ultralibéraux, dont l’unique souhait est de satisfaire le moindre désir, plus fantasmé que réel, des consommateurs et consommatrices, cette motion ne demande rien moins que les autorités cantonales puissent vider la LTr de sa substance !
À terme, tous les salarié(e)s sont visés
De fait, si les cantons étaient libres de fixer les horaires d’ouverture des magasins comme bon leur semblent, l’interdiction d’employer du personnel la nuit ou le dimanche sauterait totalement dans le commerce de détail. Or, il s’agit là de principes cardinaux de la LTr visant à protéger la santé et la vie tant sociale que familiale des travailleurs et travailleuses. On sait en effet que le travail nocturne et les horaires flexibles sont dangereux pour la santé et qu’il est difficile, sinon impossible, d’assumer ses responsabilités familiales en dehors des horaires habituels de la société ; cela, en particulier parce que les solutions de garde d’enfants ne sont pas disponibles à ces moments. Enfin, la vie sociale est fortement entravée lorsque l’on n’a pas congé en même temps que sa famille ou ses amis. Mais les partisans d’une société qui ne se repose jamais n’en ont cure. Ils se moquent totalement de ce que l’ouverture des magasins 24 heures sur 24 force d’autres secteurs économiques (par exemple la logistique, la sécurité, le nettoyage) à s’adapter et à ne plus connaître de temps de repos. À terme donc, c’est l’ensemble des salarié(e)s qui pourraient être amenés à subir des horaires de travail totalement flexibilisés.
Des tranches de saucisson indigestes !
C’est en effet bien là l’objectif des partisans de la flexibilité intégrale. Mais comme ils n’osent pas s’en prendre frontalement aux dispositions de protection des travailleurs et travailleuses, par peur du verdict populaire, ils procèdent par la désormais habituelle « stratégie du saucisson ». Chaque « tranche » est plus facile à faire avaler, car la population croit qu’elle ne concerne qu’un nombre restreint de personnes. Toutefois, si l’on additionne ces tranches, on constate alors l’ampleur des dégâts : après le travail dominical dans les commerces des grandes gares, le travail nocturne et dominical pour les jeunes travailleurs et travailleuses et la possibilité données aux cantons d’autoriser les ouvertures dominicales 4 dimanches par an, voici venir l’ouverture 24 heures sur 24 des échoppes de stations-service (initiative Lüscher, actuellement en consultation) et la motion Hutter, qui compte laisser aux cantons le soin d’instaurer la loi de la jungle dans leurs magasins, sans que la Confédération ne puisse y mettre le holà. Et les tranches suivantes sont déjà en préparation ! Le Parti libéral-radical (PLR) zurichois a en effet obtenu que le Conseil d’État de ce canton intervienne auprès de la Confédération pour augmenter à 200 m2 la surface maximale des magasins autorisés à ouvrir n’importe quand pour vendre n’importe quoi.
PLRT : triste « projet de société » et logique abracadabrantesque
Cette offensive contre le droit du travail et pour la consommation débridée semble être le seul « projet de société » actuel d’un PLR déboussolé par ses récents déboires électoraux. L’on peine d’ailleurs à comprendre comment les radicaux-libéraux comptent manœuvrer pour faire croire que ces propositions visent un quelconque intérêt général. En effet, elles sacrifient la santé et la vie sociale des salarié(e)s de la vente aux désirs d’une petite minorité de noctambules désireux de consommer à toute heure. Elles ne servent en outre que les intérêts des grandes chaînes du commerce de détail et menacent des milliers d’emplois dans les petits commerces des villages et des quartiers. Pour atteindre ces objectifs peu légitimes, le PLR semble en outre prêt à vouer aux gémonies l’État protecteur des salarié(e)s, État qu’ils ont pourtant largement contribué à construire. Enfin, ces propositions sont en totale contradiction avec les propositions sécuritaires du même PLR : alors que ses élus dans les exécutifs font, par exemple, tout pour limiter la vente d’alcool aux supporters sportifs, le PLR souhaite en même temps libéraliser les heures d’ouverture des échoppes de stations-service dont une bonne partie du chiffre d’affaire repose… sur la vente d’alcool aux noctambules.
Fort heureusement la population n’est, dans sa grande majorité, pas dupe et sait fort bien que la possibilité de consommer 24 heures sur 24 ne justifie pas que l’on porte atteinte à la santé et la vie sociale des salarié(e)s. Les votes populaires à ce sujet dans les cantons le démontrent d’ailleurs aisément : dans 90% des cas, les tentatives de libéraliser les heures d’ouverture des commerces et les horaires de travail ont été rejetées dans les urnes.