L’Union syndicale suisse (USS) reste favorable aux accords bilatéraux conclus avec l’Union européenne (UE) et, de ce fait, à la libre circulation des personnes. Mais à condition que les mesures d’accompagnement soient plus efficaces. Toutes les branches ont besoin de salaires minimums comme protection contre la sous-enchère. Il faut donc conclure plus de conventions collectives de travail (CCT) et plus de CCT doivent être étendues, c’est-à-dire rendues obligatoires. Il faut aussi une application plus stricte des mesures d’accompagnement à la libre circulation des personnes. Tel est le programme adopté par l’Assemblée des délégué(e)s (AD) de l’USS le 3 juin dernier.
« Les prochaines votations sur les initiatives « contre l’immigration de masse » de l’UDC et « Halte à la surpopulation » d’Ecopop, ainsi que, et surtout, la votation sur l’extension de la libre circulation des personnes à la Croatie sont tout, à ce que l’on peut en dire aujourd’hui, sauf gagnées. » C’est par ces mots que Paul Rechsteiner, le président de l’USS, a ouvert la partie principale de la dernière AD. Et de présenter dans la foulée le programme avec lequel l’USS veut franchir ces obstacles : « Qui mise sur le partenariat social et les CCT doit renforcer l’extension de celles-ci, car elles sont le moyen grâce auquel non seulement les employeurs corrects, mais aussi ceux qui font pression sur les salaires doivent, qu’ils soient étrangers ou de suisses, respecter des règles. C’est dans l’intérêt de tout le monde. »
Simplifier l’extension des CCT
Daniel Lampart, économiste en chef et premier secrétaire de l’USS, a expliqué les revendications demandant un durcissement des mesures d’accompagnement. Il a rappelé que la loi permettant d’étendre le champ d’application de la convention collective de travail date de 1956 et que cela se sent. Les obstacles à l’extension des CCT qu’elle pose sont bien trop élevés. Il doit être possible d’étendre des CCT pour des « raisons d’intérêt public ». Par exemple, s’il y a risque de pression ou de sous-enchère salariales, de discrimination salariale à l’encontre des femmes ou de niveau salarial socialement inacceptable. Il faut aussi supprimer le quorum des entreprises (50 % d’entre elles soumises à la CCT) appliqué pour étendre une CCT. De plus, qui reçoit des subventions ou un mandat publics devra négocier une CCT avec les syndicats représentatifs. Sinon, un contrat-type de travail (CTT) garantissant des salaires minimums sera édicté. Enfin dans les marchés publics, l’existence de CCT prévoyant des salaires minimums doit être un critère d’adjudication.
Le même programme doit aussi s’appliquer aux CTT, ces quasi-ersatz dans les branches où aucune CCT n’est possible (par exemple, faute de partenaires sociaux). Leurs salaires minimums devront être assez élevés pour garantir les salaires usuels de la branche.
Des contrôles plus nombreux et plus stricts
Il faut intensifier les contrôles pour une application correcte des mesures d’accompagnement. Pour les régions frontalières très touchées ici, la Confédération doit fournir une contribution supplémentaire pour financer une offensive menée au moyen de plus de contrôles. Les infractions doivent être punies plus sévèrement, entre autres avec des amendes plus élevées. Les salaires de référence, qui servent à constater la sous-enchère, doivent être fixés en fonction des salaires usuels de la branche et ne pas être trop bas. En cas d’« indépendance fictive », les contrôleurs doivent pouvoir exiger un arrêt immédiat des activités. Il faut mieux protéger contre les représailles et le licenciement les syndicalistes, qui jouent un rôle important dans le contrôle des conditions de travail.
Des salaires suisses pour quiconque travail en Suisse
Treize délégué(e)s sont intervenus sur cette question. On a alors vu que la sous-enchère salariale n’est pas un phénomène limité aux branches proches de la construction. Des représentant(e)s de l’Union suisse des artistes musiciens (USAM), de l’Association suisse des infirmières et infirmiers (ASI) et de syndicom, le syndicat des médias et de la communication, signalent l’existence de sous-enchère chez les musicien(ne)s libres, dans les soins à domicile et le journalisme. Dans ces branches, l’extension des CCT pour des « raisons d’intérêt public » serait nécessaire. Divers orateurs, d’accord avec l’orientation des propositions exigèrent plus de mordant dans la mécanique de précision de l’application des mesures d’accompagnement. Plusieurs délégué(e)s, surtout de Genève et du Tessin, mirent en garde contre la xénophobie et les divisions au sein des travailleurs et travailleuses. Si les syndicats ne parviennent pas à éliminer la sous-enchère salariale avec des mesures d’accompagnement efficaces, la main-d’œuvre indigène ne verra en effet dans les travailleurs et travailleuses étrangers qu’une concurrence à l’origine de sous-enchère, et rejettera la libre circulation lors des prochaines votations.
Le programme d’adaptation des mesures d’accompagnement a été adopté à la quasi-unanimité, avec deux abstentions. L’USS ne modifiera donc pas sa ligne et continuera à soutenir ces accords bilatéraux si importants pour nos exportations. Mais elle restera fidèle au principe : « Quiconque travaille en Suisse doit toucher un salaire suisse et bénéficier de conditions de travail suisses ». La conséquence est qu’il faut plus de salaires minimums déclarés obligatoires et des mesures d’accompagnement globalement renforcées.
Les résolutions
Dans une résolution adoptée à l’unanimité, les délégué(e)s ont appelé le gouvernement et l’administration fédérale à ne pas étendre le cercle des professions qui peuvent être exemptées de l’enregistrement du temps de travail. Également à l’unanimité, ils ont adopté une deuxième résolution qui demande au Parlement fédéral de renoncer à des coupes claires dans les effectifs du personnel de la Confédération, c’est-à-dire de ne pas supprimer les 2 000 emplois comme annoncé, et donc de ne pas entrer en matière sur le programme de consolidation et de réexamen des tâches lors de la session qui s’ouvre.