La tragédie de l’amiante ne doit pas se reproduire avec les nanotechnologies. Lors d’une conférence sur ce thème, une amélioration de l’information, ainsi que des contrôles et une protection ad hoc ont été demandés. La SUVA et les employeurs doivent assumer leurs responsabilités. Et une prolongation des délais de prescription est nécessaire.
La commission « santé et sécurité au travail » de l’USS avait décidé, dans le cadre de ses activités, de donner la priorité en 2013 aux risques, sur le lieu de travail, dits « émergents », c’est-à-dire aux risques pour la santé qui ne se concrétisent qu’après de très nombreuses années. Les nanomatériaux, ces particules minuscules (souvent de quelques atomes seulement) en font aussi partie. Comme ils recèlent un important potentiel économique et technologique, leur utilisation a crû de manière exponentielle ces dix dernières années. Selon des estimations, ils généreront demain des dizaines de milliers d’emplois.
Conférence de la commission « santé et sécurité au travail » sur les nanomatériaux
C’est précisément pour ces raisons – d’une part les grandes opportunités offertes par ces technologies notamment pour la technique médicale et la branche pharmaceutique et, de l’autre, les risques encore trop peu étudiés qu’elles impliquent – que la commission « santé et sécurité au travail » de l’USS a invité le 2 décembre dernier des expert(e)s de divers horizons à une conférence à Berne sur cette problématique. Les participant(e)s ont en effet aussi critiqué l’approche par trop peu prudente des nanomatériaux sur les lieux de travail. On ne sait en effet de loin pas comment ces derniers se comportent dans l’organisme humain une fois qu’ils y ont pénétré. Des études soulèvent le doute que certains d’entre eux s’accumulent, comme les fibres d’amiante, dans certaines parties du corps et peuvent déboucher sur des cancers ou d’autres maladies graves. On dispose en particulier de trop peu de connaissances sur de telles conséquences à long terme. La SUVA et plusieurs hautes écoles sont en train d’étudier ces questions.
Tirer les leçons de la tragédie de l’amiante : des délais de prescription plus longs !
Les diverses interventions et discussions faites lors de cette conférence ont permis de constater que la perception de ces problèmes est concordante : sur les lieux de travail, les nanomatériaux nécessitent, en tant que risques émergents, des mesures de protection de la part de l’employeur. Contrairement à la pratique en vigueur, celui-ci doit informer son personnel de manière exhaustive de la présence de nanomatériaux sur les lieux de travail, afin que celui-ci puisse se protéger. En outre, la SUVA doit absolument renforcer ses contrôles dans les entreprises, car elle ne passe qu’une fois en plusieurs années dans certaines entreprises qui travaillent avec des nanomatériaux. Les risques pour le personnel d’un maniement inapproprié de ces derniers sont en effet inadmissibles.
La conférence a également fait apparaître que la réforme du droit de la prescription mise en consultation par l’Office fédéral de la justice ne tient pas suffisamment compte des risques impliqués par les nanomatériaux. Ainsi, un délai de prescription de 30 ans est proposé en cas d’atteintes (professionnelles) à la santé, alors que les études existantes montrent que diverses formes de cancer ne se développent qu’après 40 ans. Ici, des mesures sont de toute urgence requises. On ne peut pas accepter que la Confédération ne tire pas les leçons de la tragédie de l’amiante et ne donne, aux victimes d’atteinte à la santé sur le long terme – aussi en matière de nanomatériaux –, aucun moyen d’agir juridiquement contre les responsables.
La conclusion de cette conférence peut être résumée en ces termes : les nanotechnologies sont quelque chose de formidable qui doit être développé en Suisse, mais des mesures d’accompagnement s’imposent.