En Suisse, les entreprises sont tenues par la loi d’enregistrer les temps de travail de la quasi-totalité de leurs employé(e)s. Mais cet instrument de protection contre le travail effectué « gratuitement », la surcharge de travail et l’épuisement professionnel a été insuffisamment appliqué et imposé ces dernières années. Les associations économiques, le Parlement et le Conseil fédéral ont fait pression pour qu’il soit tenu compte de cette réalité en matière d’enregistrement de la durée du travail. Désormais, la nouvelle réglementation donne une nouvelle base à l’enregistrement de la durée du travail. Elle est acceptée par le Département fédéral de l’économie, de la formation et de la recherche (DEFR) et par les faîtières On a neutralisé un effet « boule de neige » échappant à tout contrôle. La grande majorité des salarié(e)s continueront à être protégés demain sous cet angle. Maintenant, aux employeurs et aux autorités d’imposer les nouvelles règles.
L’exception à l’enregistrement de la durée du travail fait l’objet d’une réglementation très restrictive. La durée maximale légale de travail, respectivement les dispositions relatives aux pauses et au temps de travail supplémentaire, continue à s’appliquer à tout le monde. Ne peuvent être exclus de l’autre obligation d’enregistrer la durée du travail que les salarié(e)s qui disposent d’une grande autonomie dans leur travail, peuvent définir eux-mêmes l’essentiel de leurs horaires et gagnent plus de 120 000 francs par an. Cette exception doit être réglée dans une convention collective de travail (CCT) conclue par des partenaires sociaux représentatifs. La CCT doit en outre prévoir des mesures de protection de la santé et contre les risques psychosociaux. Et il faut en particulier que l’employeur ait obtenu l’accord écrit du ou de la salarié(e) concerné.
La nouvelle réglementation évite le pire, comme la suppression de l’enregistrement de la durée du travail dans des branches entières, que demandent par exemple deux motions encore pendantes devant les Chambres fédérales. De plus, on courait le risque que le Conseil fédéral ne décide de son propre chef des exceptions plus larges via une modification de l’ordonnance. La nouvelle réglementation empêche certaines formes de renoncement automatique à l’enregistrement de la durée du travail, comme la fixation d’un simple seuil de salaire au-delà duquel un renoncement serait autorisé sans autre, ou d’autres réglementations permettant qu’il suffise qu’un(e) employé(e) soit inscrit au registre du commerce pour qu’il/elle n’ait automatiquement plus besoin d’enregistrer son temps de travail, comme le voulait au départ le SECO. Ces deux façons de procéder auraient eu pour effet qu’à l’avenir, beaucoup plus de salarié(e)s auraient dû travailler sans être protégés par l’instrument de l’enregistrement de la durée du travail.
Grâce à la nouvelle réglementation, les employeurs, ainsi que la Confédération et les cantons devront assumer leurs responsabilités. Ils devront veiller à son application correcte. Les employeurs devront aussi accepter dans les CCT des mesures de protection spécifiques contre les risques psychosociaux et l’épuisement professionnel. L’histoire ne doit pas se répéter : les autorités ne doivent plus simplement fermer les yeux lorsque la loi et l’ordonnance ne sont pas respectées. Sinon, cette maladie de notre société qu’est l’épuisement professionnel continuera à se répandre. Ce qui ne nuirait pas seulement aux salarié(e)s, mais aussi aux entreprises.
Renseignements :
- Luca Cirigliano, secrétaire central de l'USS, responsable du droit du travail, 076 335 61 97