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Avantages de la libre circulation avec protection des salaires – besoin d’amélioration

  • Mesures d’accompagnement / libre circulation des personnes
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Commentaire du rapport de l'observatoire du 24.6.2024

Le débat sur la politique migratoire suisse est plus que jamais d’actualité, depuis le lancement par l’UDC de sa nouvelle initiative isolationniste (« initiative sur la durabilité »). Ce qui est nouveau, c’est que le président d’economiesuisse s’en mêle en tenant des propos critiques sur l’immigration. Face à ces critiques, la vraie question est de savoir quelle serait l’alternative au système actuel, basé sur la libre circulation des personnes assortie de mesures d’accompagnement. Un système à points ou de contingents serait-il réellement plus favorable aux travailleuses et travailleurs ?

D’autres pays comme le Canada, l’Australie ou le Royaume-Uni se servent de systèmes à points . Il n’est possible d’immigrer dans de tels pays qu’à condition de remplir les critères fixés par l’État. Il faut par exemple détenir un diplôme universitaire et bien maîtriser la langue nationale. Or beaucoup d’universitaires ayant émigré au Canada doivent se contenter d’emplois auxiliaires – par exemple dans l’hôtellerie-restauration ou en conduisant des taxis. Et comme la protection des salaires laisse à désirer, les études menées révèlent de fortes pressions sur les salaires. En Suisse par contre, il faut un contrat de travail pour immigrer dans le cadre de l’ALCP. Grâce à cette précaution et à la protection des salaires en place, la participation au marché du travail et la situation salariale sont meilleures en Suisse. Au Canada, seuls 44 % des universitaires récemment arrivés dans le pays occupent des postes nécessitant un diplôme de degré tertiaire. En Suisse, ce chiffre est bien plus élevé.
 

Part des immigré-e-s diplômés d’une haute école occupant un emploi correspondant (en %)

Sources : SECO, Statistique Canada

D’autres pays ont instauré des systèmes de contingents – comme la Suisse d’avant la libre circulation. Du temps des contingents, les conditions de travail étaient moins bonnes et il y avait davantage de travail au noir. Comme les salaires n’étaient guère contrôlés et les employeurs s’ingéniaient à contourner les contingents en embauchant au noir ou en offrant des emplois de courte durée, la main-d’œuvre n’était guère en mesure de dénoncer les discriminations subies. Déjà à l’époque, le niveau d’immigration dépendait de la situation économique. Mais grâce à un puissant lobbying, certaines branches obtenaient un accès privilégié à la main-d’œuvre, freinant d’autant le changement structurel.

Immigration en Suisse (part de la population résidente permanente, en %)

Sources : SEM, OFS, propres calculs. De 1963 à 1969, restriction au niveau des entreprises ; dès 1970, contingents nationaux ; dès 2002, ALCP. Les données de 1963 à 1982 ont été rétropolées avec les chiffres de l’immigration de l’OFS.

Outre la situation économique, l’internationalisation de l’économie et la diffusion d’Internet ont influencé les mouvements migratoires à des fins de recherche d’emploi. Jusqu’en 2000, il fallait acheter la presse locale pour connaître les postes à repourvoir. Par la suite, le marché de l’emploi a misé sur Internet et les postes vacants sont devenus visibles dans le monde entier. Il n’est donc guère surprenant que les chiffres de l’immigration affichent une évolution similaire dans les économies les plus prospères. Bien qu’elles aient introduit la libre circulation – comme d’autres pays de l’UE – longtemps avant la Suisse. Ou qu’elles possèdent – comme l’Australie – un système à points.

Immigration : Suisse, petits pays d l’UE (2002=100)
Immigration nette en Suisse et en Australie (2003=100)

Sources : Eurostat, OCDE

Certains économistes appellent de leurs vœux une « taxe sur l’immigration ». Or un tel système aboutirait, à l’instar des contingents, à une détérioration des conditions de travail. En outre, il serait logique de rembourser cette taxe quand la personne repart de Suisse.

À la place de telles taxes, il serait de loin préférable d’investir – dans le domaine du regroupement familial notamment. Chaque année, pas moins de 40 000 à 50 000 personnes arrivent en Suisse dans ce cadre. Les femmes en particulier affichent un taux d’activité bien inférieur à celui des Suissesses. Un quart de cette population n’a aucun diplôme professionnel. Ces personnes occupent en partie des emplois auxiliaires dans l’hôtellerie-restauration, dans les soins, etc. Ou alors elles tentent de décrocher un diplôme professionnel, mais échouent faute de soutien personnel et financier. La Suisse pourrait améliorer la vie de beaucoup de ces gens, à condition d’en faire davantage.
 

Revenu annuel de l’activité lucrative des proches de plus de 18 ans arrivés en 2009 en Suisse

Sources : SEM, bureau BASS

De façon générale, la voie de l’apprentissage est une source de préoccupation grandissante. Le nombre de CFC délivrés est même désormais en baisse. Ce n’est guère surprenant, au vu des salaires obtenus après l’apprentissage, qui sont parfois bien inférieurs à 5000 francs, et des conditions de travail en place dans certaines branches. D’un autre côté, les besoins de formation sont bien réels. Par exemple, 29 % du personnel soignant et d’encadrement des EMS n’a pas de diplôme professionnel. Il s’agit le plus souvent de personnes de nationalité étrangère.

Nombre de diplômes de fin d’apprentissage
EMS : diplômes de fin d’études du personnel

Sources : OFS, Obsan

La libre circulation des personnes assortie de mesures d’accompagnement efficaces offre un meilleur bilan que les systèmes à points ou de contingents. Le système en place aurait toutefois besoin d’être amélioré à divers égards. Les employeurs en ont surtout profité. Or les salaires réels stagnent, et la main-d’œuvre aimerait à juste titre bénéficier de la croissance économique. Les salaires devront augmenter à l’avenir. La protection des salaires comporte des lacunes criantes – par exemple, à peine 50 % des rémunérations sont protégées par des salaires minimums. En outre, il faudrait mieux soutenir la population active indigène. Il est très difficile de rattraper un CFC à l’âge adulte – par exemple dans le cas des personnes issues du regroupement familial. Il faudrait ici prévoir de nouvelles offres avec un meilleur encadrement. De façon générale, il faudra revaloriser l’apprentissage, par des horaires de travail plus humains pendant la formation puis par de meilleures perspectives salariales et de bonnes conditions de travail, après l’obtention du diplôme.

Responsable à l'USS

Daniel Lampart

Premier secrétaire et économiste en chef

031 377 01 16

daniel.lampart(at)sgb.ch
Daniel Lampart
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