Les salaires et conditions de travail suisses sont régulièrement contournés lorsque des mandats sont transmis à des entreprises sous-traitantes. Au bout des chaînes de sous-traitances, on trouve souvent des entreprises qui versent des salaires de misère à leurs employé(e)s, parfois même moins de 10 francs de l’heure. Il faut que cela cesse ! Lors de la session d’hiver qui commencera la dernière semaine de décembre, le Conseil national devra se rallier à la décision du Conseil des États, soit : décider d’une responsabilité solidaire digne de ce nom afin de combler cette lacune des mesures d’accompagnement à la libre circulation des personnes.
Il avait été promis aux travailleurs et travailleuses de ce pays que les salaires et les conditions de travail suisses seraient protégés par les mesures d’accompagnement. Cette promesse a aussi été discutée lors de l’Assemblée des délégué(e)s de l’USS du 16 novembre passé. Il faut que le Conseil national la tienne, ont demandé les délégué(e)s de l’USS. À l’unanimité, ils ont adopté le document ci-après.
« Protéger les salaires et les emplois en Suisse à l’aide des
mesures d’accompagnement
Avec les mesures d’accompagnement à la libre circulation des personnes, la Suisse dispose a priori d’un instrument qui lui permet de contrôler l’immigration de main-d’œuvre étrangère sur son territoire. Le principe à la base de ces mesures est que quiconque travaille en Suisse doit toucher un salaire suisse et bénéficier de conditions de travail suisses. S’il est appliqué systématiquement, les patrons ne peuvent plus engager de personnel étranger « bon marché » au détriment des travailleurs et travailleuses indigènes. Ce n’est pas uniquement important pour les personnes qui travaillent en Suisse depuis longtemps, mais aussi pour celles et ceux qui viennent dans notre pays afin d’y travailler, car ils veulent aussi profiter de bons salaires et de conditions de travail de qualité. Et ils y ont également droit.
Responsabilité solidaire contre sous-enchère crasse des sous-traitants
On constate des cas de sous-enchère grossière lorsque des mandats sont transmis à des sous-traitants. Au bout des chaînes de sous-traitance, il y a habituellement des entreprises dont les salaires peuvent même être inférieurs à 10 francs de l’heure. Ces entreprises ne viennent pas uniquement de l’étranger, mais aussi de Suisse.
À elle seule, la mosaïque d’entreprises présentes sur un chantier rend problématique leur identification et il est malaisé de déterminer qui y fait quoi. Cela entrave les contrôles effectués sur place. Souvent, il ne s’agit que d’assemblages informels. Dans pareille situation, il n’est guère possible de contrôler efficacement les livrets de salaires, c’est-à-dire d’exiger des entreprises qu’elles produisent les documents nécessaires à cet effet. Sans parler de l’application de sanctions aux sous-traitants en infraction.
La position de l’USS
Pour pouvoir imposer et les salaires et les conditions de travail suisses, il faut que l’entrepreneur contractant ou l’entreprise générale doive répondre pour les infractions commises tout au long de la chaîne de sous-traitance. Le Conseil des États a dit oui à une telle responsabilité solidaire et le Conseil national se prononcera lors de la session d’hiver, en novembre ou décembre. On a promis à la population suisse que les salaires et les conditions de travail du pays seraient respectés. Le Conseil national sera jugé à l’aune de cette promesse. C’est pourquoi l’USS attend de lui qu’il se prononce également en faveur de cette responsabilité solidaire.
Les contrôles montrent la sous-enchère salariale – aux cantons d’introduire des salaires minimums
La sous-enchère salariale n’a malheureusement rien de nouveau. Cela fait longtemps que les patrons font pression sur les salaires de leurs employé(e)s afin d’augmenter leurs bénéfices. Les contrôles des salaires dévoilent l’ampleur de cette pression. Dans les branches sans salaires minimums obligatoires, la part des entreprises dans lesquelles les contrôleurs et contrôleuses ont découvert des cas de sous-enchère a presque doublé entre 2009 et 2011. Selon les statistiques du SECO, les taux d’infraction sont passés de 6 à 11 %.
Dans cette situation, les cantons doivent passer à l’action et protéger les salaires. La loi (art. 360a du Code des obligations) prévoit l’introduction de salaires minimums en cas de sous-enchère répétée. À ce jour cependant, seuls des cantons de Suisse latine et, dans deux cas (économie domestique, petites entreprises de nettoyage de Suisse alémanique), la Confédération ont édicté de tels salaires. En Suisse alémanique, aucun canton ne connaît encore de salaire minimum, alors que la situation n’y est pas meilleure qu’en Suisse latine.
La position de l’USS
La loi doit être appliquée. Lorsque la Confédération ou des cantons découvrent des cas de sous-enchère, ils doivent introduire des salaires minimums.
Certains cantons tolèrent la sous-enchère en appliquant des salaires de référence trop bas lors des contrôles
En réalité, la pression sur les salaires devrait être encore plus importante qu’annoncé officiellement. L’exemple de l’horticulture le montre bien. De nombreux cantons tolèrent par exemple des salaires de 3 350 francs par mois pour des aides-jardiniers/jardinières et de 4 120 francs pour des horticulteurs ou horticultrices avec certificat fédéral de capacité et expérience professionnelle, alors que le niveau salarial national de cette branche est nettement supérieur. Or, même avec ces salaires de référence clairement trop bas, il apparaît que 11 % des entreprises contrôlées pratiquent la sous-enchère. Dans les cantons qui basent leurs contrôles sur des salaires de référence plus proches des salaires usuels, les taux d’infraction sont plus élevés (p. ex. 34 % à Bâle-Ville/Bâle-Campagne). Les taux d’infraction officiels concernant l’horticulture donnent une image trop positive des salaires de cette branche.
La position de l’USS
Les cantons doivent baser leurs contrôles sur des salaires de référence corrects. Les salaires de référence appliqués doivent être examinés d’un œil critique afin de déterminer s’ils correspondent aux salaires usuels.
Protéger les salaires de l’horticulture, du commerce de détail et du journalisme avec des salaires minimums
Dans certaines branches, la pression sur les salaires est particulièrement forte. Bien que les salaires de référence appliqués dans l’horticulture soient en maints endroits trop bas, les cantons ont constaté que 11 % des entreprises contrôlées pratiquaient la sous-enchère. Dans le commerce de détail aussi, de nombreux employeurs versent des salaires trop bas. La situation est spécialement grave en ce qui concerne les commerces de chaussures et de vêtements. Dans les commerces de chaussures, le salaire mensuel de certains employé(e)s n’est que de 2 700 francs, alors que les propriétaires des grandes chaînes de chaussures ont amassé des milliards de francs. Le vide conventionnel dans le journalisme de Suisse alémanique et du Tessin a pour conséquence que toujours plus de salaires et d’honoraires sont sous pression. Ce n’est pas seulement grave pour les personnes concernées, mais cela met aussi en danger la qualité de la presse dans notre pays.
La position de l’USS
Les salaires versés dans l’horticulture, le commerce de détail (chaussures, vêtements) et le journalisme (Suisse alémanique et Tessin) doivent être protégés. Ces branches sont en mesure de conclure des conventions collectives de travail. C’est pourquoi la priorité doit être donnée à l’introduction de bons salaires minimums conventionnels. »