S’il y a un mythe bien ancré dans les têtes des partis bourgeois, c’est sans doute aucun celui qui veut que la société aurait évolué vers le 24 heures sur 24 et que les besoins des consommateurs et consommatrices exigent que les heures d’ouverture des commerces s’y adaptent. Que ce mythe ne repose sur rien d’autre que des suppositions toutes théoriques n’empêche pas cette droite de vouloir faire accroire à l’opinion publique que ceux qui défendent les droits des travailleurs concernés pour des « vieux archaïques plus en phase avec la société ». Or, personne ne constate une évolution significative des « besoins des consommateurs », ni une « tendance inéluctable » menant à une société qui ne se repose jamais. En effet, le rythme « travail de jour en semaine, repos de nuit et le week-end » reste celui de l’immense majorité de la population et des services qui lui sont destinés (sauf les services d’urgence).
La loi sur le travail (LTr) se base sur ce qui est toujours une réalité sociale et postule l’interdiction de principe du travail nocturne et dominical, sauf en cas de besoin impérieux dûment démontré. Les tribunaux rappellent régulièrement que la santé et la vie sociale des travailleurs passe avant les profits des grandes enseignes du commerce de détail ou d’hypothétiques « besoins des consommateurs ».
Les milieux économiques et les partis bourgeois sont conscients qu’une attaque frontale contre ces principes cardinaux du droit du travail n’aurait pas la moindre chance de succès ; ce qui a été confirmé par les votes populaires dans les cantons qui ont, en grande majorité, rejeté les tentatives de libéraliser les horaires d’ouverture des magasins. Ces milieux, économiques et politiques, procèdent par conséquent en appliquant leur désormais traditionnelle « stratégie du salami ». Or, chaque tranche de salami ouvre un petit peu plus la porte à une libéralisation totale des heures d’ouverture de tous les commerces, puis à une libéralisation, totale aussi, de tous les horaires de travail. En effet, pour un commerce qui ouvre en dehors des heures habituelles, ce sont toute une série de services (sécurité, nettoyage, livraison, etc.) qui doivent, eux aussi, s’adapter pour être à disposition 24 heures sur 24.
Dernière tranche en date : l’initiative Lüscher (PLR/GE), qui vise à libéraliser totalement le travail de nuit dans les shops de stations-service le long des grands axes routiers. Et à nouveau, cette proposition ne s’appuie que sur une pseudo « évolution des besoins des consommateurs ». Que le travail de nuit soit mauvais pour la santé – et c’est prouvé - ne semble pas émouvoir ses partisans, pas plus le fait que les stations-service soient des lieux de travail dangereux, en particulier la nuit : il ne se passe en effet pas une semaine sans que les médias rapportent un braquage. En outre, l’absence de solution de garde pour les enfants ou de transports publics pendant la nuit ne pèse guère dans la balance face à la volonté du commerce de détail de ne jamais fermer ses magasins. La commission de l’économie et des redevances du Conseil national a donc malheureusement accepté l’initiative Lüscher à une large majorité.
Mais l’USS continuera à s’opposer fermement à toute nouvelle libéralisation des horaires de travail. Affaire à suivre.