Tout le monde s'est déjà énervé à cause de la Poste, des CFF ou de Swisscom, ainsi que sur les salaires de leurs managers. C'est exactement ce qui donne de l'élan à l'initiative " En faveur du service public " : on se verrait bien donner une bonne leçon à ces Messieurs, là-haut. Mais attention ! Tirons plutôt les leçons de l'initiative contre l'immigration de masse et mesurons les conséquences désastreuses d'un OUI !
Si, pour l'initiative " En faveur du service public ", les citoyens et les citoyennes devaient à nouveau agir en donneurs de leçons, comme ce fut le cas pour l'initiative contre l'immigration de masse, il se pourrait bien que la population se réveille avec une sérieuse gueule de bois au lendemain de la votation. Car l'initiative offre au Parlement une liberté d'action presqu'illimitée pour dépecer le service public actuel et le réduire à son strict minimum. L'initiative dit que le Parlement aura effectivement la tâche de définir le futur service universel, et cela, pas seulement dans les services postaux, de télécommunications et ferroviaires, mais aussi de manière générale, dans tous les domaines. Une occasion que le Parlement dominé par la droite ne va certainement pas laisser passer. Et, personne n'est rassuré quand les initiant-e-s promettent de lancer alors des référendums. Quelle naïveté ! On souhaite améliorer la situation, mais, avec un Parlement aussi intraitable, on ne fera que l'aggraver. Sans compter qu'il faudra utiliser l'outil du référendum, à plusieurs reprises probablement. Référendums dont l'issue est incertaine. Ou comment se compliquer encore plus la vie... Alors autant ne pas tenter le diable !
Les initiant-e-s souhaitent de prime abord de meilleures prestations et des prix plus bas. Or, pas un mot à ce sujet ne figure dans l'initiative. C'est au contraire avec un démantèlement des prestations qu'il faudra compter.
Rien de noble dans ces objectifs, au contraire
Faire des bénéfices serait interdit. Ainsi, les CFF seraient même obligés de baisser le prix des billets dans le trafic à longue de distance. Ce qui a comme seul effet que l'entreprise serait encore plus déficitaire et que la Confédération devrait injecter encore plus d'argent. Pour l'éviter, le Parlement pourrait alors tout simplement supprimer des lignes entières.
Les subventionnements croisés seront interdits. Actuellement, la Confédération verse annuellement environ 230 millions de francs à La Poste : 180 millions à l'entreprise CarPostal et 50 millions pour le rabais sur l'acheminement des journaux. En contrepartie, la Confédération profite chaque année des bénéfices de son entreprise, à hauteur de 200 millions. C'est presqu'une situation gagnant-gagnant, sauf que la Poste gagne un peu plus. Avec l'initiative, le flux financier ne fonctionne plus que dans un sens, à savoir de la Confédération vers la Poste. Pour l'éviter, le Parlement pourrait alors tout simplement supprimer des lignes de CarPostal et retirer la subvention pour l'acheminement des journaux.
Les salaires des managers devraient baisser, mais l'initiative dit pourtant autre chose : les salaires et les honoraires de tous les collaborateurs ne doivent pas dépasser ceux de l'Administration fédérale. Cela signifie concrètement que tout le système salarial des entreprises proches de la Confédération serait ébranlé. Il n'est absolument pas garanti que les baisses de salaires n'auraient lieu qu'au niveau des managers. Il est aussi particulièrement problématique qu'il n'y ait plus de négociations salariales entre les partenaires sociaux, puisque le Parlement décide s'il y a lieu d'accorder des augmentations de salaires ou pas. Et ce Parlement y est opposé, selon notre expérience.
Ne pas manger dans la main de la droite
Les initiant-e-s ont certainement eu de bonnes intentions, mais leur initiative est un cocktail empoisonné pour les services publics. Plus on approche de la votation, plus ils argumentent de manière populiste, parlent de la " classe politique " qui, en raison de ses abonnements généraux gratuits, n'aurait plus les pieds sur terre. Ils prétendent aussi que nous, les syndicats, nous serions à la solde de ces entreprises. Tout ne serait que querelles de gamins dont on pourrait rire, si cela n'était extrêmement sérieux. Il est vraiment tragique que les initiant-e-s ne semblent pas remarquer que leur initiative mange dans la main de la droite. Car, avant même qu'on interdise à Swisscom de réaliser des bénéfices, elle sera privatisée. Idem pour PostFinance. Cela ne fait pas l'ombre d'un doute. Avant de jouer au donneur de leçon à ces Messieurs, là-haut, il faut bien réfléchir. Les salaires des managers pourraient alors atteindre des sommets encore plus élevés...