Les conditions de travail des journalistes se dégradent depuis des années, en même temps que la diversité des médias s’appauvrit. Facebook et Google en profitent financièrement, tout comme Tamedia, Ringier et consorts. L’heure est à un changement de cap, et il commence par un OUI au paquet médias.
Pourquoi les médias recevraient-ils des fonds publics ? Après tout, les journaux et les émissions de télévision privées sont des produits comme tous les autres, vendus aux consommatrices et consommateurs intéressés. Or c’est faux : un paysage médiatique qui fonctionne n’est pas comme un millefeuille ou un abonnement à Netflix, et son financement ne saurait être entièrement garanti par les recettes générées sur le marché. Il en va depuis longtemps ainsi, et aujourd’hui plus que jamais. Pourquoi ?
Premièrement, les comptes rendus basés sur les faits jouent un rôle majeur dans une société de l’information démocratique : nos médias sont un pilier du processus de formation de l’opinion publique, sans lequel il n’y aurait jamais de débat démocratique approfondi. Deuxièmement, et comme corollaire de ce qui précède, les médias sont un élément indispensable du service public. Or ce dernier ne peut être financé par le marché, ou du moins pas entièrement. Si les CFF devaient financer aujourd’hui leur réseau public au maillage subtil par le seul prix des billets, plus personne ne prendrait le train. C’est bien pourquoi les chemins de fer sont subventionnés – à juste titre.
Halte à une évolution dommageable
L’offre médiatique de base bénéficie depuis longtemps d’un soutien public, sous forme par exemple de tarifs préférentiels d’acheminement des journaux à faible tirage. Or ce modèle minimal de service public dans le domaine des médias n’est plus compatible avec les nouvelles réalités de la branche des médias : à l’heure de l’érosion des recettes d’abonnement et de l’effondrement de la manne publicitaire, les problèmes des médias suisses sont énormes. En particulier les journaux, les magazines, les chaînes radio ou TV à petit budget informant au niveau local n’arrivent plus guère à se maintenir à flot. Par conséquent, non seulement l’offre médiatique subit un déclin quantitatif et qualitatif, mais des emplois disparaissent ou les conditions de travail se dégradent au quotidien. Le mouvement de concentration, s’accroît au même rythme, et avec lui le pouvoir des grands groupes Tamedia, Ringier et consorts dont les propriétaires sont déjà richissimes.
Une autre évolution est observable en parallèle : une part croissante des contributions médiatiques ne sont plus ni imprimées ni diffusées sur les ondes, mais paraissent en ligne. Même si ce n’est pas un problème en soi, cela montre à quel point le processus de concentration dans Internet est avancé. Il n’est dès lors plus possible de générer en ligne, avec les seules recettes réalisées auprès du public, un financement suffisant pour une solide offre de médias qui ne se spécialise ni dans les fausses nouvelles, ni dans les vidéos de chats. Car en Suisse aussi, le pouvoir des géants d’Internet est incomparablement plus grand que celui des grands éditeurs. Avec leurs recettes publicitaires déjà supérieures à deux milliards de francs, Facebook, Google et consorts privent le journalisme d’information d’une précieuse manne financière.
Des mesures raisonnables, pour le service public dans les médias
Si le monde politique reste les bras croisés, l’évolution décrite ci-dessus va encore s’accélérer. C’est précisément pourquoi il faut le paquet médias : il donnera un peu d’oxygène à la branche des médias et à ses plus de 11 000 journalistes engagés, et permettra d’adapter et de compléter l’offre existante des médias. Avec une brochette de mesures limitées à sept années – allant de réductions à grande échelle pour la distribution des médias au soutien des petits médias en ligne, en passant par le soutien à la formation. D’importantes mesures structurelles en font aussi partie, à l’instar de l’obligation de négocier des CCT dans la distribution matinale.
Du côté syndical, un OUI au paquet médias s’impose : ce train de mesures permettra d’encourager, indépendamment des choix technologiques effectués, le journalisme d’information sur l’ensemble du territoire suisse. Grâce au modèle dégressif de subventions, les petits médias – à commencer par les nouveaux sites d’information, les journaux locaux des régions périphériques ou encore des revues thématiques s’adressant à la population migrante – recevront une large part des aides prévues. Cette solution renforcera l’accès de toutes les parties du pays et de tous les groupes de la population à une information de qualité et financièrement à la portée du plus grand nombre.
En cas d’échec du paquet médias, tout continuera comme jusqu’ici : Facebook et Google accapareront une part croissante des recettes publicitaires (pour des prestations nulles sur le plan de l’information !), les médias locaux ou régionaux continueront de mourir les uns après les autres et les rares formats restants des grands groupes de médias se rempliront encore davantage de publireportages et de fenêtres de diffusion payantes. Or c’est précisément cette évolution qui limite toujours plus aujourd’hui l’indépendance et la diversité des médias. Pour inverser la tendance, le 13 février, il faudra voter OUI au paquet médias !