La Suisse romande a tout à perdre d'un oui à l'initiative No Billag. Les conséquences seraient dramatiques, tant pour la RTS que pour les télévisions et radios régionales.
Privées de deux tiers de leur revenu, ces médias disparaîtraient inéluctablement, et ceux qui survivraient au massacre ne seraient plus en mesure d'assurer leur mission de service public régional.
Quelle chance en tant que Romand(e)s d'avoir des radios et télévisions locales de qualité ! Car nous sommes un tout petit marché pour les entreprises qui gèrent ces médias de proximité que la publicité ne suffit généralement pas à financer. C'est la raison d'être du système helvétique de la redevance, qui profite pleinement aux Romand(e)s et aux habitants d'autres régions périphériques, comme le Tessin ou les Grisons. La redevance finance non seulement les médias de la SSR, mais aussi une vingtaine de radios et télévisions régionales romandes.
Si la Suisse leur accorde cette importance, c'est parce que l'article 93 alinéa 2 de notre Constitution mentionne que " La radio et la télévision contribuent à la formation et au développement culturel, à la libre formation de l'opinion et au divertissement. Elles prennent en considération les particularités du pays et les besoins des cantons. Elles présentent les événements de manière fidèle et reflètent équitablement la diversité des opinions ". Le bon fonctionnement démocratique implique un quatrième pouvoir fort dans toutes les régions linguistiques du pays. Or les médias helvétiques sont déjà dans la tourmente, en particulier la presse écrite qui voit disparaître ses titres et ses médias se concentrer en peu de mains. Et les initiants proposent d'en rajouter une couche, en asséchant l'offre radio-télévision.
En Suisse romande, leur assaut contre le pluralisme des médias menace dans le détail 6 chaînes RTS, ainsi que 5 télévisions et 8 radios régionales. Or les diffuseurs locaux et régionaux remplissent eux aussi un rôle de service public important, en participant notamment à la cohésion nationale. Les affaiblir revient à affaiblir la démocratie. Sans redevance, des chaînes comme La Télé, Radio Chablais ou RFJ tireraient simplement la prise, et des émissions aussi populaires que Forum ou Sport dimanche disparaîtraient.
Sous prétexte que les consommateurs et consommatrices doivent pouvoir choisir ce qu'ils paient, No Billag est en réalité une machine à créer du chômage. En Suisse romande, 4000 emplois au bas mot sont menacés. Près de la moitié concerne la RTS, qui emploie 1243 personnes à Genève et 590 à Lausanne, essentiellement des journalistes et animateurs ou animatrices. Les chaînes privées ne sont pas en reste. Rien que pour les radios régionales romandes, 311 personnes sont sur la sellette, des emplois pourtant formateurs qui servent de tremplin à la jeunesse. Sans oublier tous les autres emplois menacés, car indirectement liés, dans l'audiovisuel, la culture, le commerce local, les services techniques, etc.
No Billag, c'est une catastrophe d'un point de vue économique, mais aussi culturel. Le marché romand est bien trop petit pour pouvoir produire du contenu de service public rentable. Mais il intéresse d'autres acteurs, notamment des chaînes françaises qui se frottent les mains à l'idée de voir disparaître la SSR. Tout comme Google et Facebook, qui prendraient volontiers le relais d'une information qui n'aurait plus rien de régional. La suppression de la redevance pourrait aussi faire le beurre d'un milliardaire, qui déciderait de s'engouffrer dans la brèche en bâtissant un empire médiatique à la Berlusconi au service de ses seuls intérêts personnels.
Directement ou indirectement, tous les citoyens et citoyennes de ce pays et entreprises romandes profitent de la diversité des programmes radio-TV de qualité. Or le service public médiatique a un coût qu'il faut bien financer. L'ensemble des gouvernements cantonaux romands rejettent l'initiative. Ne laissons pas les arguments égoïstes et la vision à court terme l'emporter. Evitons de mettre à mort nos médias régionaux et votons massivement non le 4 mars 2018.