Le changement structurel qui touche les médias depuis des années a des conséquences très directes sur les conditions de travail et les salaires des professionnel-le-s des médias. Une étude représentative publiée ce jour montre que les salaires des journalistes stagnent depuis 14 ans et qu’ils sont donc très en retard par rapport à l’évolution générale des revenus en Suisse. Les indépendant-e-s ont même vu leur rémunération baisser. La branche des médias n’est par ailleurs pas épargnée par la discrimination salariale liée au sexe, en particulier aux échelons mieux payés. L’étude démontre que c’est l’existence d’une convention collective de travail (CCT) qui protège le mieux contre la baisse des salaires et les inégalités. Il faut donc plus de CCT dans les médias, et de vrais investissements dans la qualité.
L’USS a conduit avec syndicom, le Syndicat suisse des mass média (SSM) et l’Association des journalistes spécialisés (AJS) une enquête sur les conditions de travail des journalistes, avec l’expert des questions salariales Roman Graf. La précédente datait de 2006. Avec plus de 1600 réponses reçues, le sondage peut être considéré comme représentatif. Les résultats dépeignent donc avec clarté la situation actuelle pour les professionnel-le-s des médias.
Salaires à la baisse
Le rapport indique que le salaire des journalistes stagne. Chez les indépendant-e-s, le salaire médian a même diminué de 1000 francs. Des problèmes se font jour quant aux conditions de travail également : la pression des délais augmente, et très souvent, il est inévitable de travailler aussi dans son temps libre. Enfin, la situation de bon nombre de journalistes se distingue par une forte insécurité : 60% des indépendant-e-s et un quart des salarié-e-s sont inquiets de ne pas avoir suffisamment de mandats, respectivement craignent de perdre leur emploi. Une large majorité – toutes catégories confondues – estime difficile à très difficile de retrouver une activité équivalente en cas de perte de travail.
Sur tous les paramètres, la présence d’une CCT fait la différence. Lorsqu’une convention collective de travail s’applique, les salaires sont meilleurs, les temps de travail sont mieux définis, et les inégalités salariales liées au sexe sont moins nombreuses. Pour Stephanie Vonarburg, vice-présidente de syndicom et responsable du secteur médias, « il n’y a qu’une bonne CCT qui garantisse des salaires corrects, en particulier au bas de l’échelle des rémunérations et pour les femmes. Cela vaut tant pour les salarié-e-s que pour les indépendant-e-s. »
Préserver la qualité et l’attractivité du journalisme
La crise du coronavirus a démontré plus clairement encore l’importance d’une offre médiatique de qualité pour la cohésion sociale et la démocratie. Pour l’assurer, il faut que les médias continuent à intéresser des personnes bien formées et motivées à faire carrière dans le journalisme en leur offrant une perspective de long terme dans le secteur. Les acteurs médiatiques doivent donc investir dans les conditions de travail pour assurer l’attractivité du journalisme. C’est aussi vrai pour les journalistes spécialisés, dont la situation est, par comparaison, assez bonne : « Bonnes conditions de travail et formation continue permanente sont la clé », affirme Pete Mijnssen, président de l’AJS. « Ce sont les bases incontournables d’un journalisme spécialisé solide et fondé. »
Que le soutien aux médias figure à l’agenda politique est réjouissant. « Il doit cependant aller de pair avec de vraies améliorations pour les professionnel-le-s qui font les médias au quotidien, avec un renforcement du partenariat social, et avec une meilleure couverture par des CCT », relève Melanie Berner, secrétaire spécialisée au SSM. « Un soutien financier public ne doit être possible que si ces conditions sont respectées ». Par ailleurs, les fédérations et associations représentées s’expriment clairement pour l’extension des mesures de soutien fédérales aux plates-formes médatiques en ligne.