Fritz Reimann est décédé le 7 novembre à Thoune, à l'âge de 94 ans. Ancien président de l'USS et de la FTMH, il était l'une des figures de proue du mouvement syndical suisse des années 1970 à 1990.
Né le 22 septembre 1924 à Oberdorf dans le Fricktal, fils d'un petit paysan et forestier, il était le cadet d'une famille de sept enfants. À la fin de sa scolarité, il a eu la chance - ce sont ses mots - de faire un apprentissage d'outilleur et de découvrir ainsi un monde nouveau. Travailleur qualifié, il exerce son métier pendant six ans, dont une année et demie en France. À 21 ans, le jeune Fritz adhère à la Fédération suisse des ouvriers sur métaux et horlogers (FOMH, devenue FTMH en 1972) et se retrouve rapidement président d'une commission d'entreprise.
Il devient syndicaliste professionnel à la FOMH en 1951 et travaille pendant huit ans comme permanent à Aarau, puis dès 1959 comme secrétaire syndical à Thoune, où le personnel militaire constitue la majorité des effectifs. Élu secrétaire central de la FTMH en 1973, il est responsable de l'artisanat du métal et du personnel militaire, jouant aussi un rôle central dans la branche de l'industrie des machines. Fritz Reimann devient président de la FTMH de 1980 à 1988. À peu près à la même période, il préside l'Union syndicale suisse (USS ; 1982 - 1990), une fonction qu'il n'a pas vraiment cherchée, mais qu'il a acceptée par loyauté envers son syndicat qui voulait voir assurée sa propre ligne au sein de la direction de l'USS.
Parallèlement, il mène au sein du PS une carrière politique qui le conduit du législatif de Thoune (1962-1976) au Grand Conseil bernois (1974-1978), puis au Conseil national (1979-1991). Peut-être même aurait-il pu, lui, l'homme des négociations et du partenariat social, aller encore plus loin : la droite veut en effet faire de lui le successeur de Willi Ritschard au Conseil fédéral. Mais Fritz Reimann refuse catégoriquement toutes les sollicitations en ce sens. Il estime que son rôle est et reste celui du syndicaliste de terrain.
Fritz Reimann incarne ainsi une génération entière de syndicalistes suisses qui, pendant les années dorées de la croissance économique, croyaient à la politique contractuelle et au partenariat social, ainsi qu'à l'amélioration constante de la situation matérielle de la classe ouvrière. Il se considérait comme un " réaliste progressiste ", qui se basait toujours sur le principe du contrat. Pour beaucoup de jeunes, surtout après 1968, cette position était trop consensuelle. Fritz Reimann s'est d'ailleurs souvent bagarré avec eux. Ironie du sort, après l'ère Thatcher, les mêmes (un peu moins) jeunes ont souvent dû se battre pour un partenariat social désormais délaissé par le patronat...
Pendant ses loisirs, Fritz Reimann aimait faire de la montagne. Pas avec un piolet et des cordes, comme il l'expliquait un jour : il préférait des sommets plus sûrs qu'il gravissait avec endurance et détermination. En politique aussi, il a atteint tous les sommets qu'il visait, déclarait à l'occasion de son départ de la présidence de l'USS son successeur Walter Renschler. Fritz Reimann était " un homme de l'équilibre, mais pas du faux compromis ", poursuivait Walter Renschler dans son hommage. Il ne cherchait pas la confrontation pure et dure, mais n'en avait pas peur. Il doit le succès de sa double carrière, syndicale et politique, à ses qualités personnelles : il était un homme sur qui on pouvait compter, très engagé sur le plan syndical et socio-démocrate et de caractère conciliant. L'USS gardera toujours de lui un souvenir ému et plein de respect.