Dans le débat au sujet de l’initiative sur les salaires minimums, grâce à l’imagination débridée des opposants, on entend tout et n’importe quoi. Les uns nous prédisent par exemple une jeunesse qui ne voudra plus faire d’apprentissage, alors que les autres se lamentent parce que leurs entreprises devront mettre la clé sous le paillasson. Le seul problème ici, c’est qu’ils ont, et les uns et les autres, totalement tort.
Parmi celles et ceux qui font aujourd’hui quasiment profession de se lamenter, on trouve entre autres les restaurateurs. Ceux-ci n’arrêtent pas d’annoncer au pays qu’en tant qu’entrepreneurs, ils sont tout proches de leur fin. Et pourquoi ? À cause du salaire minimum de 4 000 francs par mois demandé par l’initiative. Leurs établissements ne pourraient en effet jamais payer un tel salaire.
Environ 215 000 personnes travaillent actuellement dans l’hôtellerie-restauration et 46 000 d’entre elles ne touchent pas encore 4 000 francs. Sur ces 46 000 personnes,
- près de 10 000 ont un horaire hebdomadaire normal de 42 heures ; leurs salaires devraient être augmentés de 2 à 4 % pour arriver à 4 000 francs par mois (sans 13e mois) ;
- près de 18 000 travaillent dans l’hôtellerie saisonnière avec des horaires hebdomadaires de 43,5 heures ; leurs salaires devraient être augmentés de 6 % environ pour arriver à 4 000 francs par mois (sans 13e mois) ;
- près de 18 000 travaillent dans des petits établissements (tea-rooms p. ex.) avec des horaires hebdomadaires pouvant aller jusqu’à 45 heures ; leurs salaires devraient être augmentés de 9 % environ pour arriver à 4 000 francs par mois (sans 13e mois).
Comme l’initiative prévoit de laisser trois années pour appliquer le salaire minimum légal, les restaurateurs pourront se permettre de procéder par étape si le oui s’impose dans les urnes. Et ils sont en mesure d’en supporter sans autre les effets. Cette branche est de fait déjà parvenue, dans un passé récent, à faire face à des hausses de salaire d’une tout autre ampleur.
On peut dire la même chose des salons de coiffure. Eux aussi, ils devront augmenter leurs prix dans une mesure si modérée que leurs client(e)s ne vont guère le remarquer. Les files de personnes qui iront se faire couper les cheveux à l’étranger et en profiteront pour manger dans un resto du coin, n’existent que dans l’imagination fertile des adversaires du salaire minimum… La même remarque s’impose pour les remontées mécaniques. Ce sont surtout celles des Grisons qui entonnent la même rengaine que les restaurateurs contre le salaire minimum. Or à Berne, ce type de « sagesse » ne prévaut pas dans leurs rangs. En effet, plusieurs remontées mécaniques de ce canton ont conclu une convention collective de travail avec le SEV (Syndicat du personnel des transports), qui prévoit un salaire minimum de… 4 000 francs !
Toutes ces lamentations ont pour but d’attirer de la compassion. Et parfois, ça marche. Mais ils sont par contre bien réels les problèmes de ces personnes qui touchent des bas salaires qui ne leur permettent guère de nouer les deux bouts à la fin du mois. Elles, elles méritent bien plus de compassion. Et plus de salaire.