Imposer à des personnes « potentiellement dangereuses » des mesures répressives en dehors du cadre de toute procédure pénale : voilà ce que veut la loi fédérale sur les mesures policières de lutte contre le terrorisme (MPT). De telles mesures porteraient gravement atteinte aux droits des personnes concernées, parmi lesquelles on pourrait d’ailleurs voir un jour aussi apparaître des syndicalistes dérangeants ou des militant-e-s pour le climat qui sortent des clous. Ces mesures sont un péril pour les principes de base de l’État de droit. Voilà pourquoi l’USS rejette la loi et soutient le référendum.
Le problème de cette loi, c’est que les termes clé sont définis de manière tellement large et vague qu’ils en deviennent dangereux en eux-mêmes : ce ne seraient pas seulement des terroristes (« potentiels ») qui se retrouveraient dans le collimateur de policiers zélés, mais peut-être un jour aussi des personnes engagées et pacifiques, comme des syndicalistes.
- Avec cette nouvelle définition de l’« activité terroriste », toute tentative d’influencer ou de transformer l’ordre public pourraient tomber sous le coup de la loi si elle se fait ou est encouragée – aux yeux de la police – par la « propagation de la crainte ». On veut donc fonder l’application de mesures répressives sur de pures suppositions.
- La simple estimation qu’une personne « propage la crainte » suffirait. Une telle définition de l’activité terroriste est beaucoup trop vague et peut facilement mener à des abus, puisqu’elle est extrêmement subjective.
- La loi autorise une conception très extensive de la notion de « dangerosité », qui pourrait à l’avenir s’appliquer aussi à des citoyen-ne-s irréprochables. Parler de la dangerosité d’une personne ou de son comportement futur relève toujours de la spéculation. Et celle-ci sera toujours liée à des convictions. Il y a donc un risque élevé que ce soient les orientations politiques des autorités judiciaires qui déterminent qui sera considéré comme « potentiellement dangereux ». Mais aussi, que les mesures soient appliquées de manière discriminatoire et qu’elles limitent ainsi le droit à la liberté d’expression ou à la lutte syndicale
Cerise sur le gâteau : la loi soumise à la votation prévoit que presque toutes les mesures (surveillance, obligation de se présenter et interdictions de contacts) peuvent être ordonnées par la police fédérale (fedpol) et non par un tribunal. Seule l’interdiction de quitter un périmètre doit être prononcée par la justice. Quant à l’examen a postériori par le Tribunal administratif fédéral, son efficacité risque bien d’être faible.
L’interdiction quitter un périmètre n’est rien d’autre qu’une assignation à résidence. Elle permet d’enfermer quelqu’un chez lui jusqu’à neuf mois, sans preuve et sur la base de simples soupçons (!). Seule la vague supposition que cette personne pourrait être « dangereuse » suffit. Cette mesure pourrait toucher de nombreuses personnes, engagées politiquement, qui n’ont rien à voir avec le terrorisme. Et pourquoi pas aussi des syndicalistes dans le cadre d’une lutte collective.
Conclusion : pour l’USS, cette loi est incompatible avec les droits fondamentaux. Elle est donc indéfendable dans un État de droit. Nous recommandons de rejeter la loi fédérale sur les mesures policières de lutte contre le terrorisme (MPT), car si elle était acceptée, elle permettrait de s’en prendre à toute personne qui dérange un peu trop : syndicalistes, personnalités politiques, journalistes, mais aussi à des personnes qui critiquent l’État ou à certains militant-e-s pour le climat.