La session parlementaire est presque terminée. Ci-après, nos brefs commentaires sur les principaux objets[1].
Poursuite des aides financières de la Confédération à l’accueil extrafamilial des enfants
À des majorités confortables, les deux Chambres ont accepté de prolonger de quatre ans les incitations financières de la Confédération destinées aux structures d’accueil extrafamilial des enfants. Le Parlement a pris une bonne décision en faveur de la conciliation famille-profession. Manifestement, une majorité des élu(e)s a désormais pris conscience du rôle essentiel joué par des bonnes structures d’accueil des enfants dans la conciliation entre famille et profession. Et aussi qu’il faudra encore redoubler d’efforts en la matière.
Protection contre les lanceurs d’alertes ou protection des lanceurs d’alertes
Le Conseil des États a adopté par 22 voix contre 13 une révision du Code des obligations concernant la « Protection en cas de signalement d’irrégularités par le travailleur ». Il s’agit là de la problématique des lanceurs d’alertes, c’est-à-dire des personnes qui dénoncent publiquement des irrégularités constatées dans leur entreprise. Les propositions faites protègent cependant peu les lanceurs d’alertes contre des sanctions, mais plutôt les entreprises contre ces derniers. Le président de l’USS, Paul Rechsteiner a donc proposé le retrait de ce projet qui est bien trop bureaucratique et place les intérêts patronaux en matière de pratique du secret au centre même de la protection. Concrètement, selon le Conseil fédéral, le signalement d’une irrégularité (par un lanceur d’alerte) « ne serait admis que s’il est d’abord adressé à l’employeur, puis à l’autorité et, en dernier ressort, au public. » Le Conseil fédéral n’entend pas améliorer la protection contre le licenciement suite au lancement d’une alerte, du moins pas dans un premier temps. Cette logique bancale s’est imposée au Conseil des États. Ce projet hyperbureaucratique n’apporterait rien aux personnes concernées, mais détériorerait la situation juridique, a critiqué Paul Rechsteiner. Le Conseil national va devoir corriger le tir.
Conférence nationale sur le thème des travailleurs et travailleuses âgés
Le Conseil des États a accepté un postulat de Paul Rechsteiner demandant au Conseil fédéral de créer une conférence nationale sur les travailleurs et travailleuses âgés. Une telle conférence devrait s’orienter sur le modèle des conférences sur les places d’apprentissage. Grâce à la forte mobilisation des partenaires sociaux et des cantons, celles-ci ont permis de surpasser plutôt rapidement la profonde crise traversée par les apprentissages pendant les années 1990 et au début du millénaire. D’abord, le gouvernement s’est dit opposé à cette idée, mais lors de la discussion en plénum, le conseiller fédéral Johann Schneider-Ammann a déclaré renoncer à cette opposition, parce que les partenaires sociaux s’étaient mis d’accord sur une telle procédure. Affaire à suivre, donc.
Offensive contre les CCT repoussée
Le Conseil national a repoussé une attaque culottée dirigée contre les conventions collectives de travail (CCT). L’UDC zougois Thomas Aeschi voulait relever de 50 à 75 % la part de salarié(e)s soumis à CCT, soit le quorum à remplir pour étendre celle-ci. Aujourd’hui, ce quorum est fixé à plus de 50 % des salarié(e)s d’une branche. Ce durcissement aurait eu pour effet que la nette majorité des CCT actuellement étendues, c’est-à-dire s’appliquant à toutes les entreprises d’une branche, ne rempliraient plus les conditions d’une extension. Très franc, Thomas Aeschi justifiait son idée par le fait qu’aujourd’hui, la moitié environ des salarié(e)s sont déjà soumis à une CCT. Ce serait trop pour une économie forte et un marché du travail flexible, pense notre licencié en sciences économiques certes convaincu, mais guère convaincant. Sans discussion, le Conseil national a jeté, par 135 voix contre 46 ce projet dans des oubliettes bien méritées.
Initiative sur les bourses : un contre-projet toujours plus vide
Le Conseil des États est resté ferme et n’a pas suivi le National. Ce dernier voulait faire figurer dans la nouvelle loi sur les bourses des minimums à respecter par les cantons souhaitant une aide de la Confédération. Cela aurait contraint certains cantons pingres à relever un peu leurs normes. Mais c’était encore trop d’harmonisation pour la Chambre des cantons. La socialiste bâloise Anita Fetz a ainsi pu constater à juste titre que le contre-projet à l’initiative sur les bourses, la nouvelle loi, n’était plus qu’un mets insipide dans sa version du Conseil des États. Au tour maintenant du Conseil national de s’y coltiner.
Partage du déficit entre les parents : le Parlement doit avancer une bonne fois !
Le Conseil national a accepté une motion qui charge le Conseil fédéral de présenter une base constitutionnelle permettant d’introduire le partage du déficit entre les parents. Les groupes UDC et PRL s’y sont opposés. Le partage du déficit est la répartition entre les deux parents du montant qui, suite à un divorce ou une séparation, manque à un parent, souvent obligé de passer par l’aide sociale – la plupart du temps, la femme –, pour financer ses besoins d’entretien et ceux de l’enfant à sa charge. La révision en cours du droit en matière d’entretien de l’enfant ne reprend pas le partage de ce déficit en se justifiant surtout par l’absence de base constitutionnelle. Au Conseil fédéral de clarifier tout cela.
Les oublieux et les sourds
Lors de l’heure des questions, la conseillère nationale socialiste Silva Semadeni voulait savoir ce que le Conseil fédéral pensait faire pour que l’arrêt du Tribunal fédéral dans l’affaire Outlet Landquart soit appliqué. Pour rappel, le Tribunal fédéral a déclaré illégale l’ouverture le dimanche de ce commerce, mais le canton des Grisons refuse d’appliquer cette décision. Le Conseil fédéral a répondu d’une manière lapidaire que l’application des arrêts de notre plus haute Cour était la tâche des autorités cantonales, ce que le SECO leur avait rappelé. Les oublieux de la région de vacances concernée (ici, on est relax du matin au soir ; ici, on a le droit de tout oublier) sont en plus sourds. Et ils continuent à se goinfrer des fruits les plus symboliques de leur république : les bananes…
[1] Certains objets importants pour les syndicats vont encore être traités ces derniers jours de session. Nous les commenterons séparément.