Les femmes perçoivent aujourd’hui des rentes inférieures d’un tiers à celles des hommes. En dépit de cette lacune financière béante, il est question de réaliser 10 milliards d’économies supplémentaires dans l’AVS sur leur dos. Les femmes ne sont guère mieux loties dans le deuxième pilier, où l’érosion insidieuse des rentes LPP touche tout le monde, tandis que les cotisations salariales ne cessent d’augmenter. Là encore, le Parlement s’apprête à accentuer encore les inégalités : selon les récentes décisions de la commission compétente, un très grand nombre de vendeuses, d’infirmières et d’enseignantes paieraient davantage – tout en recevant moins. Les femmes occupées à temps partiel, qui ont la plus grave lacune de prévoyance, seraient durement touchées. Au lieu d’empoigner le problème urgent du niveau insuffisant des rentes, la majorité bourgeoise du Parlement préfère s’attaquer frontalement à d’importants piliers de la sécurité sociale. Maintenant ça suffit ! Les syndicats appellent à une manifestation nationale devant le Palais fédéral, en pleine session, le 18 septembre.
À la fin de janvier plus de 300 000 femmes ont signé l’appel contre la détérioration de leurs rentes. Car en Suisse, les femmes obtiennent des rentes inférieures d’un tiers à celles des hommes. Or au lieu de veiller à combler au plus vite cette lacune, le monde politique fait tout le contraire – en décidant d’amputer les rentes des femmes de plus de 1,2 milliard de francs par an. Aude Spang, secrétaire à l’égalité d’Unia, résume ainsi la situation : « le projet AVS 21 ne fait que démanteler les rentes : les femmes devraient en effet travailler une année de plus et continuer à payer des cotisations AVS durant cette année, mais elles recevraient leurs rentes pendant une année de moins. C’est un affront !» Pas plus tard que cette semaine, le Parlement a démontré qu’il ne ne s’intéresse en réalité pas à la stabilité financière de l’AVS en agissant de la sorte, puisque la commission des États a rejeté le financement additionnel décidé par le Conseil national, qui souhaitait affecter au premier pilier le bénéfice issu des intérêts négatifs pratiqués par la Banque nationale suisse. Cet apport aurait valu à l’AVS des recettes supplémentaires presque équivalentes aux économies générées par le relèvement de l’âge de la retraite des femmes. Adrian Wüthrich, président de Travail.Suisse, résume : « Les femmes se voient offrir ce qu'elles ne veulent pas (un âge de la retraite plus élevé) et refuser ce dont elles ont besoin (des salaires égaux et de bonnes rentes) ».
Dans le deuxième pilier aussi, la réforme s’annonce problématique
Les rentes du deuxième pilier ne cessent de diminuer depuis quinze ans, alors que les cotisations sont en hausse. En réponse à cette évolution, il est urgent de stabiliser les rentes. Là encore, il faut améliorer la situation des femmes à la retraite.
Or des dérapages sont également à craindre dans la réforme de la LPP – alors même que durant le débat parlementaire sur l’AVS, les femmes avaient été priées de patienter en vue d’une compensation dans le deuxième pilier. En effet, la commission songe à un modèle résolument antisocial, qui grèverait lourdement les salaires moyens tout en ménageant les plus hauts revenus. Gabriela Medici en indique les conséquences concrètes : « les décisions portant sur la réforme de la LPP entraîneraient des baisses de rentes allant jusqu’à 12 %. Pour une femme âgée de 48 ans, cela représenterait une perte de rente de presque 200 francs par mois ! » La proposition soumise par le conseiller national de Courten est indécente vis-à-vis des vendeuses, des infirmières ou des enseignantes. Car les plans de prévoyance en vigueur dans le commerce de détail, la couverture LPP dont bénéficient les infirmières, les postières et les enseignantes les excluent de la compensation proposée. Ce n’est pas tout. Au lieu de prévoir des mesures pour combler la lacune actuelle de prévoyance de ces femmes, on cherche à leur ponctionner encore de l’argent. Elles n’auraient droit qu’à titre exceptionnel au « nouveau » supplément de rente. Une vendeuse de Coop s’expose par contre à des coûts supplémentaires pouvant atteindre 2000 francs par an, destinés à financer le supplément de rente d’autres personnes. Même une factrice de la Poste occupée à temps partiel et gagnant un modeste salaire de moins de 3000 francs par mois risque d’être mise à contribution à hauteur de 1200 francs. Et cela pendant que la participation des plus hauts revenus serait plafonnée à moins de 4400 francs.
Levée de boucliers contre le démantèlement des rentes
Maintenant ça suffit ! Les syndicats n’accepteront pas de nouvelle coupe dans les rentes. « Nous combattrons les coups de boutoir que l’industrie financière porte contre notre système de retraites », résume Pierre-Yves Maillard, président de l’Union syndicale suisse (USS). Une large alliance appelle à une manifestation massive devant le Palais fédéral. Il s’agit de donner un signal clair, sous la devise « Pas touche à nos rentes » : les détériorations de rentes, qu’il s’agisse de l’AVS ou de la LPP, se heurteront à une résistance acharnée.