Indépendamment de l'état de santé et de l'âge, les primes-maladie appliquées en Suisse depuis l'entrée en vigueur de la loi sur l'assurance-maladie en 1996 sont unifiées au plan régional. C'est un important acquis qui a renforcé de manière déterminante le caractère d'assurance solidaire concernant les soins médicaux. Le gros défaut ici est que les primes sont malheureusement fixées indépendamment du porte-monnaie. Raison pour laquelle elles sont devenues une charge financière trop lourde pour nombre de ménages à bas ou moyen revenu. Ce problème est connu de tout le monde. L'USS s'engage depuis des années pour des primes dépendantes du revenu.
Mais le fait que, malgré l'existence de la prime unique selon la loi, les primes effectivement payées se différencient de façon significative tant selon l'âge que l'état de santé est cependant généralement moins connu. Un rapport de l'économiste de la santé Pius Gyger présente des études récentes à ce sujet. Si l'on ne prend pas uniquement en compte la prime standard (prime moyenne avec libre choix du médecin et franchise de 300 francs) communiquée par l'Office fédéral de la santé publique (OFSP), mais les primes effectivement payées, on obtient le tableau suivant : une assurée de 25 ans a payé en 2016 une prime mensuelle moyenne de 299 francs, alors qu'un assuré de 95 ans a payé 427 francs la même année. Cette différence de 43 % (!) est due au choix du modèle d'assurance et de franchise, c'est-à-dire qu'elle s'explique par le fait que les jeunes en bonne santé peuvent plutôt choisir un modèle avec restriction (p. ex. télémédecine) et une franchise élevée (p. ex. Fr. 2 500.-), deux éléments qui se traduisent par une réduction de la prime. Si l'on considère en plus la participation directe des assuré(e)s aux coûts, la différence entre jeunes et personnes âgées s'agrandit et atteint même 55 %. Les assuré(e)s âgés et donc plus souvent malades doivent davantage recourir aux prestations de santé et payer de ce fait une plus de quote-part (y c. forfaits hospitaliers et pour soins).
Les primes augmentent donc non seulement avec le temps (moyenne annuelle depuis 1996 : 4,6 %), mais en plus aussi avec l'âge. Si l'on répartit la différence susmentionnée de 43 % sur les 70 années de vie pertinentes ici, on obtient une hausse supplémentaire des primes de 0,5 % par année d'âge.
L'existence de divers modèles d'assurance et franchises donne en théorie l'impression d'une liberté de choix qui n'existe pas comme telle dans la pratique. Ce n'est généralement pas une fausse modestie qui permet aux assuré(e)s de choisir un modèle avec une franchise élevée ou un modèle HMO, mais uniquement l'état de santé et le porte-monnaie. Ainsi l'OFSP est arrivé l'an dernier dans un rapport (en allemand seulement) à la conclusion que les assuré(e)s choisissent en majorité leurs franchises individuellement en fonction des prestations brutes qu'ils attendent. En d'autres termes, les gens se comportent précisément comme le système le leur demande. Si l'on est plus souvent malade (resp. plus âgé), on accepte une prime plus élevée pour avoir une franchise plus basse. Mais en fin de compte, on paie quand même plus.
Les assuré(e)s ne choisissent donc pas des primes plus basses uniquement parce qu'ils le veulent, mais aussi parce qu'ils le peuvent. Une fois âgés, toujours plus ne le peuvent plus à cause de leur santé et ils doivent alors faire face à une charge financière supplémentaire. La solidarité prévue par la loi dans l'assurance de base se trouve précisément mise à rude épreuve par l'évolution démographique. Cependant pas parce que - comme le prétendent les idéologues bourgeois de la liberté de choix - les jeunes doivent payer toujours plus pour les personnes âgées, mais parce que ces dernières doivent payer des primes beaucoup plus élevées que les jeunes... qui deviendront en outre un jour encore plus âgés.
D'ailleurs, les primes effectivement payées ne se différencient pas uniquement selon l'âge, mais aussi selon le sexe. En 2016, les primes des femmes étaient en moyenne 8 % plus élevées que celles des hommes.