«Prévoyance vieillesse 2020»: M. Kaiser dans le déni de réalité

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Écrit par Paul Rechsteiner, président de l’USS

Commentaire de Paul Rechsteiner sur le débat parlementaire

Après le deuxième passage de « Prévoyance vieillesse 2020 »au Conseil des États et avant les prochains débats au Conseil national, il vaut la peine de jeter un coup d’œil rapide à une affaire qui montre ce que l’Union patronale suisse et ses alliés politiques veulent vraiment : empêcher à tous prix une augmentation de 70 francs de l’AVS pour les nouveaux retraité(e)s.

À l’automne 2015, le Conseil des États avait adopté une proposition prévoyant un supplément de 70 francs pour l’AVS et le relèvement du plafond pour les couples à 155 % de la rente individuelle maximale. Ce fut ensuite le tour de la commission du Conseil national compétente pour ces questions de se pencher sur le sujet pendant presque neuf mois. Sa majorité de droite, sous la houlette des associations patronales, ficela une proposition qui n’est rien d’autre qu’une baisse brutale des rentes et à laquelle s’ajoute un mécanisme de relèvement automatique de la retraite à 67 ans.

Aveugle, mais fidèle à la famille politique

Le 25 septembre 2016, plus de 40 % des Suisses et Suissesses ont accepté l’initiative AVSplus. Le soir même, l’Union patronale suisse sortait de son chapeau une proposition totalement nouvelle. Elle renonçait à baisser les rentes, mais ajoutait des coûts et des cotisations énormes au deuxième pilier (24 milliards de francs cumulés jusqu’à 2030). La nouvelle proposition patronale a fait foi au sein du PLR, de l’UDC et du PBD, sans qu’une seule heure y ait été consacrée en commission préparatoire. Cette manière de légiférer à l’aveugle est inédite dans l’histoire du Parlement suisse pour un projet de cette importance. La devise était : « Qu’importe le prix à payer, mais il ne faut surtout pas que l’AVS soit améliorée ».

Entretemps, le Conseil des États a achevé sa deuxième lecture. Une majorité stable confirme qu’elle veut améliorer les rentes AVS des nouveaux retraité(e)s. L’Union patronale, economiesuisse et le PLR ont élaboré des propositions de minorité qui ne veulent compenser les pertes de rentes que dans le deuxième pilier, même si cela reviendrait bien plus cher et aboutirait à de moins bonnes rentes que la solution du Conseil des États qui inclut l’AVS.

Nouvelle pirouette

Ce qui est toutefois nouveau, c’est que le tabou de l’amélioration des prestations dans l’AVS est tombé. Il n’y a plus que les 70 francs mensuels qui ne doivent pas passer. Par contre, le plafond des rentes de couples doit être relevé pour une partie d’entre eux et indépendamment de ça, le taux de la baisse de la rente est réduit. Mais n’en bénéficieraient qu’une petite minorité des personnes, les plus démunies, celles qui auraient déjà droit aux prestations complémentaires. Cependant, autant les couples que les célibataires s’en sortiraient nettement moins bien qu’avec les propositions du Conseil des États. Les célibataires ne feraient que cotiser plus, mais ne recevraient pas plus. Il n’empêche que les décisions du Conseil des États concernant l’AVS coûteraient la moitié moins que les propositions de minorité vantées par certains médias comme étant un compromis. Les prestations du modèle de la minorité, au contraire des décisions du Conseil des États, ne seraient pas financées. Voilà pour la logique et le sérieux de ces propositions.

Le dossier « Prévoyance vieillesse 2020 » est dirigé au sein de l’Union patronale par Martin Kaiser. Ce M. Kaiser a encore fait savoir avant les délibérations au Conseil des États que les patrons feraient échouer toute la réforme si les 70 francs n’étaient pas abandonnés. Qui s’étonnera encore que cette organisation, economiesuisse et le PLR aient tout bonnement fait savoir qu’ils préféraient qu’il n’y ait pas de réforme plutôt que cette réforme-là. Il n’y aurait pas besoin de réforme juste pour vouloir réformer. Sur le fond, la seule chose qui soit attaquée est en fait le supplément de rente AVS pour les nouveaux retraité(e)s.

Le roi est nu

La recette de ce M. Kaiser pour la réforme de la prévoyance vieillesse change toute les semaines et parfois même tous les jours. Il ne se laisse pas ébranler par les calculs de l’Office fédéral des assurances sociales qui montrent l’absurdité de ses propositions. Du moins aussi longtemps que des partis comme le PLR et l’UDC suivent, sans poser de questions.

La pièce que l’Union patronale suisse présente rappelle fatalement le conte d’Andersen, « Les Habits neufs de l’empereur ». « Kaiser » signifie en effet « empereur » en allemand. Dans le conte, l’empereur fut longtemps nu devant la foule qui prétendit ne rien remarquer, jusqu’à ce que la vérité sorte de la bouche d’un enfant : « Le roi est nu ! » Jusqu’à quand devrons-nous attendre pour qu’un de ses amis politiques dise la vérité au roi, alias M. Kaiser ?

Seule la solution du Conseil des États est susceptible de remporter la majorité

Le grand défi de la prévoyance professionnelle est le niveau des rentes. Actuellement, les taux de conversion baissent déjà partout en Suisse dans le domaine surobligatoire. Les propositions du Conseil des États sont les seuls à faire contrepoids. Certes, les améliorations de rentes que cette Chambres a décidées sont modestes. Mais elles veillent à ce qu’enfin, après des décennies, l’AVS soit à nouveau améliorée. Et grâce à un montant fixe pour tous les nouveaux retraité(e)s, un peu plus pour les bas revenus que pour les hauts revenus. Si une réforme pouvait surmonter l’obstacle de la votation populaire, à l’inverse des projets de la droite des années 2000, c’est bien celle du Conseil des États. Les propositions de l’Union patronale suisse vont droit dans l’impasse, sur le modèle de l’ère Couchepin.

Des mois passionnants nous attendent.

Responsable à l'USS

Gabriela Medici

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