Entrée en vigueur en octobre dernier, la solution vaudoise prévoit que les femmes et les hommes disposant d’une fortune modeste peuvent désormais recevoir une rente si elles, ou ils, se trouvent au maximum deux ans avant l’âge de leur retraite et n’ont plus droit à l’aide de l’assurance-chômage. Cette rente-pont leur est alors versée jusqu’à ce qu’ils aient atteint l’âge ordinaire de la retraite.
Aux Conseil des États, bien que demandant uniquement que la nécessité et la faisabilité d’une telle mesure soient étudiées, la proposition de la socialiste vaudoise Géraldine Savary a été nettement rejetée.
Il est pourtant statistiquement prouvé qu’une fois au chômage, les hommes et les femmes dans la soixantaine peuvent difficilement se réinsérer dans le marché du travail. Selon la durée pendant laquelle on a pu cotiser à l’assurance-chômage, il se passe plus ou moins de temps avant que l’office régional de placement ne ferme le robinet et coupe les indemnités journalières. Mais après ? Que se passe-t-il après une ou deux années et demie - pendant lesquelles on a aligné les offres d’emploi et suivi avec zèle tout plein de formations continues - si on n’a toujours pas trouvé de nouveau travail et qu’un année ou deux manquent encore jusqu’à l’âge ordinaire de la retraite ? Dans ce cas, la situation se fait douloureuse et coûteuse. Le nombre de personnes qui ne choisissent pas de prendre leur retraite mais y sont contraintes[1] et la hausse du « taux d’aide sociale » dans cette classe d’âge le prouvent bien[2].
Au premier coup d’œil, la retraite anticipée comme échappatoire ne semble peut-être pas être une solution si aberrante que cela. Mais, sans capital sous forme de rentes, elle entraîne surtout d’importantes baisses de celles-ci ; et cela, jusqu’à la fin de la vie. Une perception anticipée de la rente d’une année ou deux se traduira en effet par une baisse de 6,8 %, respectivement 13,6 %. Qui plus est, des coupes qui se font sur des rentes AVS qui, aujourd’hui déjà, ne permettent guère de vivre décemment. Pour celles et ceux qui n’auront de toute façon jamais d’épais matelas de sécurité pour leur vieillesse, pareille diminution représente une perte douloureuse.
Le passage par les services sociaux n’empêche qu’exceptionnellement l’anticipation de la rente. Seuls les plus pauvres parmi les fins de droit ont en effet droit à l’aide sociale. De fait, les prestations de la prévoyance professionnelle, les avoirs du troisième pilier ou une assurance-vie de la prévoyance libre sont pris en compte dans le budget des personnes qui reçoivent une aide. Et l’usage est que les services sociaux poussent à anticiper la perception de la rente AVS.
Dans ce genre de situation, l’existence d’une rente-pont sur le modèle vaudois serait une aide bienvenue pour les chômeuses et chômeurs âgés en fin de droit. Grâce à elle, celles et ceux qui ont travaillé pendant de longues années avec zèle ainsi que consciencieusement et qui ont fait des économies se font éjecter du monde du travail et sont punis financièrement de manière indigne, alors qu’ils n’ont commis aucune faute.
Les parlementaires ont néanmoins fait preuve de plus de discernement lorsqu’il s’est agi d’adapter la loi sur l’assurance-chômage. Désormais en effet, les personnes de plus de 55 ans devront avoir cotisé 22 mois, et non plus 24, durant un délai-cadre de 2 ans, pour avoir droit au maximum de 520 indemnités journalières.
[1] En 2008, selon l’Office fédéral de la statistique, plus d’un tiers des personnes en retraite anticipée n’avait pas vraiment choisi de s’y trouver.
[2] Le taux d’aide sociale de la classe d’âge des 56-64 ans est le seul à avoir constamment augmenté entre 2005 et 2009.