Qu’en premier lieu, seules les rentes du domaine obligatoire soient visées et, formellement, uniquement que les classes d’âges qui partiront à la retraite ces prochaines années n’améliore nullement les choses. Comment les rentières et les rentiers, qui renoncent déjà à la compensation du renchérissement depuis de longues années et doivent ainsi s’accommoder d’une dévalorisation constante de leurs rentes, peuvent-ils encore croire, si les promesses faites aux plus de soixante ans peuvent être rompues sans scrupule aucun, que leurs rentes sont sûres et ne seront pas remises en question ? Mais que signifient aussi ces baisses pour les membres de la génération dite active ? À quelles promesses et à quelles garanties peuvent-ils encore s’en remettre, si ce qui leur avait été expressément promis il y a quelques années encore de cela ne vaut maintenant plus pour les classes d’âge qui se trouvent sur le seuil de la retraite ?
Autrefois et jusqu’à aujourd’hui, ces promesses reposaient sur le principe de la bonne foi. Or, baisser massivement les rentes - qui avaient été récemment promises avec la 1ère révision de la LPP - de celles et ceux qui ont cru à ces promesses, c’est violer ce principe. À leur âge, ces personnes n’ont de fait plus aucune chance de compenser une perte si importante et irréversible.
La constitution fédérale stipule que les rentes de la prévoyance professionnelle doivent permettre, conjuguées avec celles de l’AVS, de maintenir de manière appropriée le niveau de vie antérieur. Qu’est-ce que cela veut dire concrètement, relativement à l’objet de la prochaine votation populaire ? La prévoyance professionnelle obligatoire se traduit par des rentes d’au maximum 1500 par mois, mais qui sont fréquemment inférieures à ce montant. Dans ces cas, même avec les rentes de l’AVS, le maintien du niveau de vie antérieur n’est souvent pas garanti avec la partie obligatoire de la LPP. Cela, d’autant moins si ces rentes allaient subir en plus une baisse de 10 pour cent environ. Le projet imposé par la droite du Parlement fédéral - la baisse du taux de conversion LPP ; cela, sans compensation pour atteindre le but constitutionnel, ce qui est en contradiction avec la 1ère révision de la LPP – viole ainsi non seulement le principe de la bonne foi, mais ne respecte par non plus le mandat constitutionnel.
Cette baisse du taux de conversion décidée dans la précipitation ne s’explique d’ailleurs pas, contrairement aux affirmations propagées par les organisations des milieux économiques, par la prise en considération de la démographie , entendez : de l’allongement de l’espérance de vie. Ce phénomène a déjà été pris en compte à travers la baisse progressive et prudente du taux de conversion décidée dans le cadre de la 1ère révision de la LPP, une baisse dont les effets furent d’ailleurs amortis à l’aide de mesures d’accompagnement. Le scrutin du 7 mars ne concerne pas l’allongement de l’espérance de vie, mais a pour enjeu les intérêts sonnants et trébuchants des grandes compagnies d’assurance surtout, qui vont dépenser de très grandes sommes durant cette campagne de votation. Car ce sont elles qui profiteraient massivement de ce que les prestations de la prévoyance professionnelle ne seraient plus garanties. Ce dont les travailleurs et les travailleuses seront privés en tant que futurs rentiers et rentières ira directement dans les poches des actionnaires et se retrouvera dans les bonus versés aux dirigeants des grandes compagnies d’assurance. D’un côté, on trouve ces dernières, qui promettent un rendement de 10 à 15 % sur les capitaux propres et, de l’autre, des rentières et rentiers pour qui l’enjeu est, dans le cadre de la prévoyance professionnelle obligatoire, ce dont ils ont absolument besoin pour leur subsistance et ce pour quoi ils ont payé de bonne foi. L’expression de « vol des rentes » ne fait qu’exprimer en toute clarté cette réalité. Pas étonnant non plus, en effet, que les compagnies d’assurance veuillent, aujourd’hui déjà, refiler à la population leurs onéreuses assurances pour combler la lacune de couverture des besoins vitaux. Difficile d’être plus culotté !
Avec leur référendum placé à l’enseigne du « NON au vol des rentes », les syndicats défendent les prescriptions constitutionnelles ainsi que les promesses légales de rentes minimales. Même si les compagnies d’assurance et les associations économiques et autres partis qu’elles financent à coups de millions propagent le contraire, il n’y a aucune raison objectivement défendable de briser les promesses faites avec la 1ère révision de la LPP entrée en vigueur au 1er janvier 2005 seulement. Personne ne conteste qu’il faudra à nouveau (dès 2015) prendre en compte l’évolution de l’espérance de vie. Mais les travailleurs et travailleuses, et surtout ceux et celles qui n’ont que la prévoyance professionnelle obligatoire, ne sont pas là pour effacer avec leurs rentes les erreurs commises par les dirigeants des grands groupes financiers.