Les porteurs d’eau des assureurs privés au Parlement s’acharnent contre les prestations et alourdissent les charges sociales

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Écrit par Colette Nova

Moins connue que celles de l’AVS et de l’assurance-chômage, la révision de la loi sur l’assurance-accidents (LAA) n’en est pas pour autant moins dangereuse. Dans la commission du Conseil national qui s’en occupe, de nombreux parlementaires bourgeois attaquent éhontément les intérêts des personnes assurées et des employeurs : réduction ou suppression de prestations, affaiblissement de la SUVA et même hausse des primes pour tous les assuré(e)s et employeurs, ils ne reculent devant rien pour élargir le champ d’action des assurances complémentaires, très profitables pour les assureurs privés.

Le scénario est bien connu, puisqu’il reprend mot pour mot celui de l’assurance-maladie : les commissions de la santé et de la sécurité sociale des deux Chambres sont noyautées par des parlementaires bourgeois inféodés aux caisses-maladie et aux assureurs privés, qui font échec à toutes les réformes judicieuses et ne songent qu’à accroître leurs possibilités de gain, au détriment des assuré(e)s et des patient(e)s. La même tragédie se reproduit actuellement pour l’assurance-accidents obligatoire. Si les Chambres fédérales peuvent encore « justifier » des modifications de l’assurance-maladie qui nuisent aux personnes assurées en invoquant la hausse constante des coûts et des primes, elles n’ont en revanche pas cette excuse pour la révision de la LAA : l’assurance-accidents est financièrement saine et des mesures d’économies ne s’imposent pas. Malgré tout, les lobbyistes des caisses-maladie et des assureurs privés veulent réduire les prestations d’assurance, dans le but d’accroître le champ des assurances complémentaires de droit privé, bien plus rentables pour eux-mêmes. Or, cette ambition se traduit, pour les assuré(e)s et pour les employeurs, par un relèvement des primes et par une dégradation des prestations en cas d’accident.

Abaissement du salaire assuré maximal : recul des prestations et hausse des primes ?

Actuellement, la proportion de travailleuses et travailleurs assurés pour la totalité du salaire oscille dans une fourchette qui va de 92 à 96 % des assuré(e)s. Cela signifie notamment que tous ces travailleurs et travailleuses perçoivent, en cas d’accident, des indemnités journalières et des rentes à hauteur de 80 % de leur salaire. Du point de vue technique, le Conseil fédéral revoit périodiquement le salaire assuré maximal LAA pour que cette fourchette soit respectée. Actuellement, ce salaire est de 126 000 francs par an. À première vue, cela peut sembler beaucoup, comparé par exemple aux prestations bien plus basses de l’AVS ou de la prévoyance professionnelle, mais cet écart repose sur de très bonnes raisons : en cas d’accident, l’assurance-accidents remplace la responsabilité civile de l’employeur. Et elle ne peut le faire que si la quasi-totalité des personnes assurées sont réellement bien couvertes contre les conséquences économiques d’un accident. Or, la commission du Conseil national a, sur proposition de Mme Humbel-Näf (PDC), une lobbyiste des caisses-maladie, décidé que seuls 85 à 90 %  des travailleuses et travailleurs seraient assurés pour la totalité de leur salaire. Actuellement, la limite inférieure de 85 % équivaut à un salaire annuel de 96 000 francs, de sorte que l’écart est considérable. Au premier abord, on pourrait argumenter que seuls les hauts salaires feraient figure de perdants (réduction des rentes d’invalidité et de survivants, ainsi que des indemnités journalières). Ils seraient au nombre de 250 000 environ, ce qui n’est pas peu. Or, il n’en va pas ainsi : le salaire assuré maximal jouant aussi un rôle dans le calcul de diverses prestations de l’assurance-accidents, de nombreuses victimes d’accidents se retrouveraient elles aussi dans une situation pire qu’auparavant, y compris des bas et moyens revenus. Cela est particulièrement vrai des personnes qui, à la suite d’un accident, souffrent d’une atteinte physique permanente (indemnité pour atteinte à l’intégrité) ou dépendent durablement de l’aide d’autrui (allocation pour impotent). Surtout, la totalité des 3,8 millions d’assuré(e)s à l’assurance-accidents devraient débourser davantage : le salaire assuré maximal étant aussi le plafond utilisé pour le calcul des primes, son abaissement entraînerait un manque à gagner qui ne pourrait être compensé que par un relèvement des primes de l’ordre de 2 à 3 %. En conséquence, tous les assuré(e)s devraient acquitter des primes supérieures pour les accidents non professionnels, en dépit de la réduction des prestations. Leurs employeurs devraient eux aussi débourser davantage pour les primes d’assurance accidents professionnels. En dépit de ces primes plus chères, ils courent le risque, en cas d’accident, d’être assignés en justice sur la base du contrat du travail ou du droit de la responsabilité civile, pour les prestations que l’assurance-accidents ne couvre plus. Dans certaines situations, les travailleuses et travailleurs accidentés n’auraient d’autre solution que d’introduire une action en justice, ce qui constituerait une épreuve pour eux aussi.

Qui en profite ? Qui se frotte les mains ?

Les lobbyistes des caisses-maladie et des assureurs n’ont même pas à justifier devant le Conseil national cet abaissement du salaire assuré maximal et les conséquences qui en résultent pour les accidenté(e)s et pour tous les assuré(e)s et employeurs. Il n’en reste pas moins que l’on sait à qui le crime profite : les assurances privées et les caisses-maladie qui offriraient aux employeurs des assurances-accidents complémentaires de droit privé. Ces assurances sont plus chères que l’assurance-accidents obligatoire, les assureurs ayant toute liberté pour en retirer davantage de bénéfice. Conclusion : tous les assuré(e)s et tous les employeurs devraient acquitter des primes plus importantes, tout en bénéficiant de prestations moindres. Quiconque souhaiterait bénéficier des mêmes prestations qu’auparavant devrait donc passer deux fois à la caisse. La perfidie ne s’arrête toutefois pas là : alors que la quarantaine d’assureurs-accidents privés auraient le droit de proposer ces assurances complémentaires et tireraient parti du potentiel créé par l’abaissement du salaire assuré maximal, la SUVA ne peut le faire. Simultanément, les lobbyistes des assurances privées veulent priver la caisse nationale des meilleurs morceaux, c’est-à-dire des branches à faible risque. Or, la SUVA est la seule assurance-accidents gérée par les partenaires sociaux et sans but lucratif.

Les cotisations de l’assurance-chômage seraient elles aussi relevées

Mais ce n’est pas tout : le salaire assuré maximal LAA étant aussi déterminant pour les cotisations et les prestations de l’assurance-chômage, cette branche des assurances sociales verrait elle aussi ses prestations réduites et essuierait une perte nette de 130 millions de francs par an. Aujourd’hui déjà, l’assurance-chômage est déficitaire et cette mesure ne ferait qu’aggraver ce déséquilibre. Ses détracteurs demanderaient encore davantage de réduction des coûts et des prestations.

Les fossoyeurs du social s’en donnent à cœur joie

En dépit des finances solides de l’assurance-accidents, les assureurs privés s’obstinent à en réduire les prestations. Ainsi, ils veulent subordonner le droit à une rente d’invalidité à un taux d’invalidité de 40 % au moins pour certaines conséquences des accidents. Ils prétendent aussi remplacer l’efficace système tarifaire médical de l’assurance-accidents par celui de l’assurance-maladie, bien plus cher et bien plus compliqué, ce qui alourdirait une fois de plus inutilement les charges. Finalement, ils demandent que la rente des personnes invalides en raison d’un accident soit réduite dès l’âge de la retraite.

 

Responsable à l'USS

Daniel Lampart

Premier secrétaire et économiste en chef

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Daniel Lampart
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