Les deux Chambres fédérales ont désormais éliminé leurs dernières divergences concernant la révision de la loi sur l’assurance-accidents (LAA). Cette révision, qui n’allait pas de soi suite à l’échec en 2008 d’une première mouture, illustre aussi la volonté des partenaires sociaux à agir sur cette question. Ci-après, dans une version légèrement abrégée, une intervention à ce sujet de Paul Rechsteiner, le président de l’USS.
L’assurance-accidents est la plus ancienne des assurances sociales classiques. Elle fonctionne parfaitement et offre des prestations de qualité. Ses finances sont toujours saines et elle ne coûte pas un centime à la Confédération et aux contribuables, car les employeurs et les employé(e)s lui versent des primes. L’article constitutionnel qui prévoit la création d’une assurance-accidents date de 1890. La loi sur l’assurance-accidents (LAA) est entrée en vigueur en 1911 et, depuis 1918, c’est la SUVA, une institution de droit public, qui la gère. Les décisions de principe prises à l’époque se sont avérées justes, car il faut attendre 1984 pour que la LAA fasse l’objet d’une révision globale. Après plus de 30 ans, une modernisation « légère » de ce texte s’imposait en effet. Elle reprendra le système bien rodé des prestations d’assurance versées pour les accidents professionnels et non professionnels. Avec elle, traitements médicaux et versements d’indemnités journalières relèvent d’une source unique, une grande différence avec l’assurance-maladie. Le même principe est appliqué aux rentes d’invalidité et aux indemnisations pour atteinte à l’intégrité, ainsi q u’à la réglementation du gain assuré. Le compromis concernant la répartition du marché entre la SUVA et les assurances privées date également de 1984. Ici aussi, la révision ne change rien quant à ses principaux axes.
Pas uniquement assurer, mais aussi prévenir
Pour comprendre l’importance de l’assurance-accidents et le pourquoi de la qualité de ses prestations, il faut revenir au début de l’ère industrielle. À cette époque, un accident était catastrophique pour la personne touchée et sa famille. Mais les industriels étaient aussi exposés à des risques de responsabilité imprévisibles. C’est en ces temps que vit le jour l’idée d’une assurance-accidents, selon la devise : « La responsabilité civile est synonyme de grève et l’assurance, de paix ». Il s’agissait également de couvrir le risque de responsabilité au moyen de prestations d’assurance de qualité. Et ce risque ne devait alors être qu’exceptionnellement supporté. La mise en place d’une assurance-accidents a permis de donner une place importante à la prévention des accidents et des maladies professionnelles, qui font partie des risques. La prévention des accidents a contribué à ce que les travaux à risques, dans l’industrie et l’artisanat, soient effectués dans les meilleures conditions et, de manière générale, à rendre les processus de production plus sûrs. C’est là une contribution dont on ne saurait désormais plus penser se passer. Tout cela, la réforme actuelle le confirme.
Partenaires sociaux avec discernement
Le message de 2008 était bancal à divers égards. Mais surtout, il aurait réduit le volume de l’assurance et détérioré les prestations d’assurance. Il y a presque cinq ans, grâce à une coalition inhabituelle regroupant la Société suisse des entrepreneurs, l’USAM et les syndicats, le Parlement fédéral décidait de renvoyer au Conseil fédéral son projet, chargeant le gouvernement de le revoir et de le limiter à l’essentiel. Les faîtières des partenaires sociaux élaborèrent ensuite un projet de révision de dimensions réduites. La SUVA et l’Association suisse d’assurances se rallièrent aussi aux solutions et compromis trouvés. Le passage quelque peu inaccoutumé par les partenaires sociaux se justifie par le fait que l’assurance-accidents est une assurance pour travailleurs et travailleuses financée par des cotisations de ces derniers et des employeurs. La SUVA est également une institution portée par les associations patronales et les syndicats.
Les nouveautés
Créer une nouvelle réglementation pour les rentes-accident des personnes à la retraite ou, pour le dire en termes de responsabilité civile, de « dommages de rentes »[1], est une tâche techniquement très exigeante. Comme la LPP n’existait par lorsque la nouvelle LAA est entrée en vigueur, en 1984, il fallait trouver une solution qui empêche la surindemnisation pendant la retraite, mais fasse simultanément en sorte que les personnes victimes d’un accident continuent à recevoir les prestations qui leur sont dues et qu’en particulier, les dommages de rentes soient couverts. La solution différenciée qui a été trouvée tient compte de l’âge de la personne victime d’un accident, ainsi que du degré d’invalidité pour les rentes partielles. Étant donné qu’aucune rente AI ou du 2e pilier n’est servie pour un degré d’invalidité inférieur à 40 %, il faut ici une réglementation différente de celle appliquée aux degrés d’invalidité supérieurs. Les autres points importants de la révision sont les dispositions sur les grands sinistres, des dispositions qui répondent surtout aux demandes des assureurs privés, les dispositions sur la délimitation des secteurs d’activité de la SUVA et des assureurs privés et l’adaptation de l’organisation et de la gouvernance de la SUVA aux réalités actuelles.
[1] Un accident qui entraîne une incapacité de gain a pour conséquence de diminuer le montant total des cotisations qui seront versées à l’AVS et, le cas échéant, à la prévoyance professionnelle jusqu’à l’âge de la retraite. La réduction des prestations de vieillesse due à cette lacune de cotisations doit être compensée en droit de la responsabilité civile.