Le projet de politique de la santé visant au financement uniforme des prestations ambulatoires et hospitalières (EFAS) entrera dans sa phase finale durant la session parlementaire d’hiver. Alors que les pressions pour réformer le système en place se font toujours plus fortes, EFAS passe aujourd’hui dans les milieux professionnels pour être la panacée. Cet acronyme fait miroiter des économies se chiffrant en milliards– alors même qu’au départ, ses concepteurs n’avaient jamais cherché à réaliser des économies.
Le projet entrera en décembre dans sa cinquième (!) législature, ce qui ne plaide guère en sa faveur. EFAS a subi de multiples remaniements. Il a notamment été décidé d’intégrer les prestations de soins de longue durée (en EMS et à domicile) dans le financement uniforme. Une décision fatale, qui coûterait très cher aux payeurs de primes et au personnel soignant.
Le directeur d’ARTISET, fédération active dans la branche des soins de longue durée, a argumenté au nom d’autres acteurs du secteur que l’inclusion des soins dans le projet EFAS était indispensable car « dans le financement actuel des soins, les collectivités publiques supportent une part croissante des coûts, alors que la part à charge des assureurs-maladie diminue ». Encore heureux qu’il en aille ainsi ! Chaque fois que les coûts de la santé augmentent – en raison du remboursement de nouveaux médicaments hors de prix ou de l’augmentation du volume des prestations couvertes par les assurances complémentaires –, la hausse est aussitôt répercutée dans sa totalité sur les primes. Cet « impôt par tête » s’alourdit ainsi d’année en année et fera un bond de presque 9 % l’année prochaine. Or le renchérissement des primes ne fait pas la distinction entre l’avocate d’affaires et l’horticulteur-paysagiste. Pour la première cela ne change pas grand-chose, alors que le second subit une ponction insupportable sur son pouvoir d’achat.
À ce jour, le législateur n’a plafonné le financement par les primes que dans un seul secteur, à savoir les soins de longue durée. Et c’est précisément cet article de loi qu’EFAS ferait passer à la trappe ! À l’avenir, les cantons n’auraient plus à régler le « financement résiduel », et donc les payeurs de primes devraient en plus cofinancer la dynamique des coûts du secteur qui, pour des raisons démographiques, affiche la plus forte croissance annuelle. Ce n’est pas tout : comme la participation aux coûts à verser dans ce secteur – donc les coûts de soins que les gens doivent payer de leur propre poche – dépend aussi de la contribution fixée aujourd’hui à charge de l’assurance, ce plafonnement disparaîtrait également avec EFAS. Avec pour effet qu’à moyen terme, la participation aux coûts serait elle aussi en forte hausse.
La seule manière d’empêcher cette explosion des primes imputable à EFAS consisterait à fixer le nouveau tarif des soins de longue durée au plus bas niveau possible. Or un tarif à prix cassés reviendrait à faire des économies sur le dos du personnel soignant. Alors que ce dernier tend déjà à déserter la profession, victime d’épuisement. Plus de deux ans après l’acceptation massive de l’initiative sur les soins, il faudrait au contraire investir de manière ciblée en vue d’améliorer les conditions de travail, et par là garantir la qualité et la sécurité de l’offre d’approvisionnement en soins. Dans l’immédiat, il appartient au Parlement de refuser net le projet EFAS.