Le marathon de révisions de l’assurance-invalidité (AI) se poursuit. D’un point de vue syndical, il est clair que le temps des engagements rhétoriques pour l’intégration professionnelle des personnes handicapées est dépassé. Et la Confédération ne doit pas se retirer de ses obligations financières envers l’AI. Ce n’est qu’ainsi que l’on peut envisager un développement de l’AI.
Début décembre, le Conseil fédéral a envoyé en consultation ses propositions pour le développement de l’AI. Et, selon ses propres dires, cette fois-ci, les mesures d’économie ne sont pas prioritaires, contrairement aux révisions précédentes. A juste titre, car les personnes à l’AI ne pourraient pas supporter de nouvelles baisses de prestations après la cure draconienne de ces dernières révisions.
Risque de détérioration des prestations
Toutefois, en y regardant de plus près, on se rend compte qu’il y a quand même un risque de détérioration des prestations dans cette révision. Par exemple par l’introduction d’un système de rente linéaire. Une variante prévoit qu’une rente AVS complète ne serait attribuée qu’à partir d’une invalidité de 80% contre 70%, comme jusqu’à présent. A nos yeux, une telle hausse du taux d’invalidité pour pouvoir obtenir une rente complète est un pur exercice d’économie sur le dos des personnes gravement invalides. Prétendre qu’une telle mesure encourage une plus grande participation au marché du travail est une illusion. Car celui-ci n’offre aucun poste aux personnes gravement handicapées ne disposant plus que d'une capacité de travail résiduelle extrêmement minime. Pour des économies prévues de 95 millions par an, les rentiers AI vont connaître des difficultés financières et finalement être encore plus contraintes de demander des prestations complémentaires. C’est une pure tactique de transfert des dépenses qui est irresponsable envers les personnes gravement invalides et les prestations complémentaires.
Le nouveau règlement proposé pour les indemnités journalières n’est pas non plus sans incidence sur les coûts. Les économies s’élèvent à un montant allant jusqu’à 51 millions par an. Tout au moins, le Conseil fédéral veut fortement renforcer l’intégration professionnelle des jeunes et des jeunes adultes.
Les adaptations des prestations médicales en cas de maladie congénitale auront aussi une incidence sur le niveau des prestations. Le Conseil fédéral prévoit ici de s’appuyer plus fortement sur l’assurance-maladie. En outre, des maladies congénitales reconnues devraient être à l’avenir éliminées de la liste de celles-ci (p. ex. les malpositions dentaires).
Aucune mesure contraignante dans l’intégration professionnelle
L’USS estime que la direction prise par cette révision vers une intervention précoce et des mesures d’intégration pour les jeunes en général et ceux qui sont atteints de maladies psychiques est la bonne. Le rapport de l’OCDE sur la santé mentale et l’emploi en Suisse a mis au jour quelques points faibles dans le passage entre l’école et la formation. Les mesures en faveur des jeunes figurant dans la proposition sont donc à saluer. Elles sont toutefois compliquées. Il y manque aussi des mesures pour éviter ou accompagner les ruptures scolaires.
Le projet mis en consultation contient de nouveaux instruments d’intégration. Les employeurs obtiendraient de nouvelles incitations à l’embauche de personnes invalides. Pourtant toutes les mesures ne parviennent pas à convaincre. Ainsi, l’USS est sceptique sur la mesure qui veut que la location de service soit encouragée.
Ce ne sont pourtant pas les incitations à l’embauche des personnes handicapées qui manquent actuellement. Mais l’apport des employeurs en termes d’intégration reste encore bien en-deçà des attentes. Aucune des promesses que les employeurs ont faites dans le cadre de la Révision 6a de l’AI d’intégrer les rentiers et rentières AI même sans quotas d’embauche contraignants, n’ont été tenues. Pour l’USS, il manque dans ce projet des directives efficaces pour l’embauche de personnes invalides. S’en tenir à des incitations n’est apparemment pas suffisant. La possibilité de conclure des accords de coopération entre la Confédération et les partenaires sociaux représente tout de même un pas dans la bonne direction. Avec de tels accords qui prennent exemple sur des modèles qui existent en Suisse romande, des objectifs doivent aussi être définis et des mesures ainsi que des instruments utilisés dans le cadre du partenariat social doivent être soutenus financièrement par l'AI.
Les mesures d’économie de la Confédération déstabilisent l’AI
Le développement proposé de l’AI – dans le domaine d’une amélioration de l’intégration professionnelle – ne peut qu’être mise en œuvre si l’AI dispose de suffisamment de moyens. Et justement, il y a un risque que le financement baisse massivement. Dans son programme d’austérité décrit comme le « Programme de stabilisation 2017-2019 », le Conseil fédéral veut déstabiliser l’AI : il propose de réduire la participation de la Confédération à l’AI. Celle-ci perdrait ainsi 60 millions par année à partir de 2018 déjà. Sachant que le pour cent additionnel attribué à l’AI tombe fin 2017 et que les dettes de l’AI doivent être remboursées au Fonds AVS, l’AI dépend donc obligatoirement des recettes de la Confédération. L’USS juge donc qu’une telle mesure de déstabilisation n’est pas acceptable. Elle empêche l’assainissement de l’AI et affaiblirait aussi l’AVS.