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Déductions pour les riches au lieu de solutions pour les retraites

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Écrit par Gabriela Medici

La motion Ettlin joue avec les peurs autour des rentes de vieillesse

Une motion du sénateur démocrate-chrétien Erich Ettlin promet aux femmes une meilleure prévoyance vieillesse. Mais dans les faits, ce texte n’apporte que des déductions fiscales pour les riches.

Le Conseil national se penchera au cours de la session de printemps sur une motion du conseiller aux États Erich Ettlin (PDC, OW), qui demande la possibilité de faire des rachats supplémentaires et déductibles dans le 3e pilier a. Avec cette proposition, Erich Ettlin entend s’attaquer au problème de la baisse des rentes du 2e pilier, réduire l’écart de rentes des femmes, qui n’ont souvent qu’une petite rente LPP en raison des tâches familiales, et renforcer la prévoyance vieillesse pour la classe moyenne. Ce sont là des objectifs louables, mais la mesure proposée n’est pas la bonne. Elle profitera surtout aux personnes ayant de très bons revenus, au détriment de la collectivité.

En effet, le 3e pilier est avant tout un instrument d’épargne fiscale et n’apporte pratiquement aucune couverture financière à la retraite. Raison pour laquelle très peu de gens ont des avoirs dans un 3e pilier, ou alors des avoirs minimes. Les prestations des comptes de 3e pilier sont par conséquent assez faibles. En 2017, la prestation moyenne pour les femmes était d’environ 41 000 francs, pour les hommes de 49 000 francs. Pas de quoi vivre bien longtemps.

En même temps, seuls soit 13 % de l’ensemble des contribuables peuvent se permettre de verser le maximum déductible de 6826 francs par année sur un compte de 3e pilier a. Selon une étude de l’Administration fédérale des finances, ce sont les ménages disposant d’un revenu net de 150 000 et plus qui font le plus usage de la déduction fiscale pour le 3e pilier. Les personnes avec des revenus bas ou moyens, comme un facteur ou une vendeuse, n’ont pas les moyens de verser grand-chose sur un compte de 3e pilier : elles ont besoin de leur argent pour vivre.

Versements dans le 3e pilier a, selon classe de revenu

 0-50 00050 000-100 000100 000-150 000150 000-200 000200 000-250 000250 000+
Zoug21615883542588368636322
Berne22114113880642279528171

 

Source : Peters (2011)1

Même Erich Ettlin le reconnaît. C’est pourquoi il ne veut pas d’une hausse des montants maximaux, mais plutôt créer des possibilités de rachats. Concrètement, il demande dans sa motion que l’on puisse verser tous les cinq ans un montant supplémentaire maximal d’environ 35 000 francs dans un 3e pilier a. À condition d’avoir un emploi rémunéré et de n’avoir pas toujours versé le maximum déductible par le passé. Mais cette possibilité de rachat reste elle aussi hors de portée pour les gens qui ne gagnent pas des salaires élevés. Et ce sont ces mêmes revenus élevés qui peuvent déjà se payer des rachats – déductibles à 100 % – dans leur caisse de pensions et combler ainsi d’éventuelles lacunes dans leur prévoyance. Les personnes qui gagnent de plus en plus en avançant dans la vie ne doivent pas pouvoir, en plus, bénéficier de déductions d’impôts. Ces personnes ont déjà la possibilité d’alimenter leur prévoyance vieillesse. Malgré cela, les commissions compétentes des deux Chambres fédérales ont adopté cette motion, contre la recommandation du Conseil fédéral et sans analyse approfondie des répercussions qu’elle aurait.

Privatisation rampante de la prévoyance vieillesse

Les pertes fiscales dues au 3e pilier n’ont plus été chiffrées depuis des années. En 2005, elles ont été estimées à 450 millions de francs pour le seul niveau fédéral.2 Et depuis, les versements dans des comptes de 3e pilier ont beaucoup augmenté. Actuellement, on parle d’environ dix milliards de francs par année, ce qui correspond grosso modo à un tiers des cotisations annuelles à l’AVS. On peut donc partir du principe que les pertes fiscales ont augmenté en conséquence. Avec un taux marginal d’imposition présumé de 25 %, cela équivaut à quelque 2,5 milliards de francs. En déduisant l’imposition ultérieure, au moment du retrait, au taux (fictif, mais réaliste) de 5 %, on arrive tout de même à des pertes de l’ordre de 2 milliards. Impossible de voir actuellement à combien s’élèveraient les pertes fiscales supplémentaires liées à la motion Ettlin. Ce qui paraît évident en revanche, c’est que l’évolution vers une privatisation rampante de la prévoyance vieillesse s’accélère. Car le développement du 3e pilier se fait auprès des banques et des assurances, qui en tirent des bénéfices.

La seule solution : renforcer l’AVS

Pour l’USS, il est évident qu’on ne peut pas s’attaquer aux problèmes réels des rentes avec cette motion. Les allègements fiscaux dans la prévoyance vieillesse profitent surtout aux hauts, voire très hauts revenus. Les possibilités de rachat exigées dans la motion ne feraient qu’accroître les économies d’impôts des personnes qui gagnent beaucoup. Pour toutes les autres classes de revenu, le renforcement de l’AVS est la meilleure solution. Raison pour laquelle l’USS lance le 5 mars 2020 l’initiative pour une 13e rente AVS.

1 Peters, R. (2011): Steuerabzüge, wer profitiert? (en allemand seulement, avec résumé en français) www.estv.admin.ch/dam/estv/de/dokumente/allgemein/Dokumentation/Zahlen_fakten/berichte/2011/Steuerabz%C3%BCge%20Wer%20profitiert.pdf.download.pdf/2011_Steuerabzuege.pdf

2 Peters, R. (2009) : Les cotisations au 3e pilier a
www.estv.admin.ch/dam/estv/de/dokumente/allgemein/Dokumentation/Zahlen_fakten/berichte/2009/Les%20cotisations%20au%20pilier%203a.pdf.download.pdf/2009_Pilier3a_f.pdf

Responsable à l'USS

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