Malgré une tendance positive, quelques chantiers subsistent

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Écrit par Véronique Polito, secrétaire centrale de l’USS

Bilan de dix années de loi sur la formation professionnelle

L’actuelle loi sur la formation professionnelle (LFPr) est en vigueur depuis 2004. Ces dix dernières années, elle a évolué dans l’ensemble de manière réjouissante. Le nombre de places d’apprentissage est aujourd’hui supérieur à ce qu’il était quinze ans en arrière. Mais de nombreux défis, dont certains qualitatifs, doivent encore être relevés. Les syndicats sont concernés.

La LFPr en vigueur depuis dix ans reprend d’importantes revendications des syndicats. Représentant de fait comme un contre-projet indirect à l’initiative populaire sur les places d’apprentissage de l’USS, rejetée par le peuple en 2003, elle dénotait une volonté de rupture dans la formation professionnelle. Beaucoup d’acteurs de provenances diverses voulaient ouvrir une voie pour sortir d’une crise qui se caractérisait par le nombre trop petit de places d’apprentissage et de formation mis à disposition par l’économie et la société.

La LFPr a, d’une part, développé une stratégie nationale plus cohérente et plus efficace de pilotage de la formation professionnelle et encouragé, de l’autre, un partenariat entre Confédération, cantons et « organisations du monde du travail », c’est-à-dire les syndicats et les organisations patronales

À nouveau davantage de places d’apprentissage

La LFPr a donné de nouveaux moyens d’intervention à la Confédération et, depuis son entrée en vigueur, des efforts considérables ont été entrepris pour dynamiser le marché des places d’apprentissage. Ainsi, depuis la publication du premier baromètre des places d’apprentissage en 2005, le nombre de ces dernières mises à disposition des jeunes sortant de l’école obligatoire a augmenté de plus de 25 % en huit ans, passant de 76 000 en 2005 à 95 500 en 2013. En 2011, le nombre de places d’apprentissage disponible en Suisse dépassait le nombre de jeunes qui en recherchaient une. Une situation impensable quinze ans plus tôt. Outre les mesures sur ce marché, la LFPr a aussi permis de renforcer les dispositifs en faveur des jeunes ayant des difficultés à la sortie de l’école obligatoire. La mise en place de la formation professionnelle de deux ans qui donne accès à une attestation reconnue au niveau fédéral (AFP) s’est avérée être un bon instrument d’intégration pour ces jeunes qui ne parviennent pas à entrer ou à rester dans une filière plus exigeante.

Surveillance et protection efficace des apprenti(e)s

Dans la LFPr, la responsabilité de la surveillance de l’apprentissage relève entièrement de la compétence des cantons. Les modalités d’exécution sont disparates, les ressources varient fortement d’un canton à l’autre et la coordination intercantonale est rudimentaire. Au niveau national, nous ne disposons d’aucune information d’ensemble ni de moyens d’évaluation.

La protection des jeunes apprenti(e)s est restée, elle-aussi, un domaine négligé par la formation professionnelle, les dispositions de protection étant essentiellement rattachées à la loi sur le travail, dont l’application est traditionnellement du ressort des autorités du marché du travail. Les discussions intenses sur l’abaissement de l’âge de protection des jeunes pour les travaux dangereux pendant la formation professionnelle ont montré les nombreuses lacunes du système. Il s’est avéré que beaucoup de jeunes sont exposés en apprentissage à des risques inutiles, faute de moyens de prévention et de contrôles suffisants. Beaucoup de chemin reste à parcourir avant d’en arriver à une situation acceptable.

Un accès pour tous les jeunes

Même si de nombreux efforts ont été faits pour améliorer l’accès des jeunes à la formation professionnelle initiale (notamment au niveau du marché des places d’apprentissage), environ 10 % encore des jeunes sortant de l’école obligatoire n’acquièrent aucun diplôme après leur scolarité. Le nombre de jeunes en attente d’une place de formation reste depuis plusieurs années à un niveau élevé (16 500 en 2013, soit plus que 10 % d’une volée). Paradoxalement, le nombre de places d’apprentissage inoccupées augmente (8 500 en 2013), les entreprises se plaignant de plus en plus souvent de ne pas recevoir de candidatures répondant aux exigences. Comme les exigences de qualification sur le marché du travail augmentent, le problème de la sous-qualification des jeunes qui arrivent sur le marché du travail s’accentuera ces prochaines années.

Accès des adultes à la formation professionnelle initiale

Même si la LFPr a légalement ouvert de nouvelles voies d’accès à la formation professionnelle initiale pour les adultes dès 25 ans (p. ex. via la validation des acquis) et bien que l’intention soit juste, les résultats au plan national sont indéniablement mauvais. Outre le fait que très peu d’adultes accèdent à la formation professionnelle initiale, le Secrétariat d’État à la formation, à la recherche et à l’innovation a constaté récemment, dans un rapport en cours d’élaboration, que la plupart des adultes empruntent encore à ce jour la voie classique de formation, c’est-à-dire l’apprentissage dual conçu à l’origine pour les jeunes. D’une part, cette situation pose un problème d’un point de vue syndical, sachant que les conditions d’emploi des apprenti(e)s ne sont généralement pas réglementées (exclusion du champ d’application des CCT) et ne correspondent pas aux normes d’usage d’un(e) employé(e) adulte (notamment au plan du salaire). D’autre part, ce constat confirme la thèse syndicale selon laquelle la conception et la mise en place des voies de formation pour adultes sont actuellement, à quelques exceptions près, inadéquates.

En outre, la formation professionnelle supérieure doit aussi faire l’objet de toute urgence d’une réforme. Lors de l’élaboration de la LFPr, son importance a été clairement sous-estimée, ce qui a nettement désavantagé les personnes ayant suivi une formation professionnelle. C’est pourquoi l’USS plaide pour une réforme fondamentale du système. Les travailleurs et travailleuses, qui se préparent à passer un brevet ou une maîtrise doivent pouvoir être financièrement soutenus par la Confédération. Pour ce faire, il faut fortement relever la participation des pouvoirs publics aux coûts sous forme d’un remboursement direct des frais de cours.

Responsable à l'USS

Nicole Cornu

Secrétaire centrale

031 377 01 23

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