Nouveau droit d’entretien: améliorations, mi-figue, mi-raisin!

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Écrit par Regula Bühlmann

Les mères et les enfants toujours désavantagés

Depuis le 1er janvier 2017, une nouvelle législation sur l’entretien des enfants est entrée en vigueur. Elle apporte, certes, quelques améliorations, mais elle ne fait que s’attaquer aux symptômes sans toucher le cœur du problème.

Les enfants ont besoin d’une sécurité financière, d’une prise en charge et de personnes de référence fiables. Cette responsabilité incombe aux parents, même s’ils sont séparés. Pourtant, la séparation des parents continue à représenter un risque de pauvreté pour les enfants : le taux de pauvreté de familles monoparentales se situe à presque 15 % et un bon quart d’entre elles encourent un risque de pauvreté. Alors que ce risque est de 6,6 %, respectivement de 13,5 % pour l’entier de la population (cf. l’étude de l’OFS « Pauvreté et privations matérielles des enfants en Suisse 2014 »)

Pour supprimer ce problème, le Département fédéral de la Justice (DFJ) voulait réviser en même temps le droit d’entretien et le droit d’autorité parentale. Cela n’est pas allé aussi loin, car sous la pression des organisations masculines et de pères, le DFJ a traité le droit d’autorité parentale en premier. L’autorité parentale conjointe est depuis le 1er juillet la règle pour les parents divorcés et non mariés.

La sécurité financière et une prise en charge stable est un droit de l’enfant

Et maintenant, c’est au tour du nouveau droit d’entretien de l’enfant d’entrer en vigueur. La prise en charge est désormais un droit de l’enfant et est considérée comme une partie de l’entretien de l’enfant, et cela indépendamment du fait que ses parents soient ou aient été mariés. La législation révisée reconnaît ainsi que les enfants sont aussi tributaires d’une prise en charge stable, en plus de la sécurité financière qui leur garanti la nourriture, des vêtements et un toit. Quand le parent chez qui l’enfant vit (la plupart du temps chez la mère, rarement chez le père) doit renoncer à une partie de son revenu pour pouvoir assurer cette prise en charge, il a droit à une compensation. Ce que l’on appelle la contribution pour la prise en charge de l’enfant fait partie de l’entretien de l’enfant et pas de l’entretien pour le parent divorcé (qui va par contre être réduit en conséquence). Cette contribution est en outre indépendante du fait que les parents aient été mariés ou pas. Cela crée une égalité pour tous les enfants et toutes les mères. Surtout les mères qui entament une nouvelle relation et qui conservent le droit à une indemnisation pour le manque à gagner. Ce qui est juste, puisque les parents doivent garantir aux enfants une prise en charge stable et fiable.

D’autres améliorations suivront: la compétence de la Confédération pour l’aide au recouvrement a été harmonisée, compétence qui dépasse donc les cantons et prévoit que les familles monoparentales n’aient pas seulement droit à l’entretien de la part de l’autre parent, mais puissent aussi être effectivement payé.

Les mères doivent payer les pots cassés

Ces efforts peuvent contribuer à réduire les risques de pauvreté des familles monoparentales. Mais ils ne suffisent toutefois pas, du fait que la nouvelle loi a des lacunes sur certains points décisifs. Il est surtout choquant que les familles monoparentales (donc normalement les femmes et les enfants) continuent à assumer les risques financiers d’un divorce. Si le revenu familial ne suffit pas pour deux ménages après le divorce, le minimum vital est garanti à la personne qui a l’obligation d’entretien, donc en général le père. Les contributions d’entretien sont calculées selon ses capacités financières et peuvent donc être basses, souvent trop basses, pour assurer le minimum vital à la mère et aux enfants.

La mère doit alors se tourner vers l’aide sociale, mais pas le père. La mère doit le cas échéant rembourser l’aide sociale quand sa situation financière s’améliore, pas le père. Et les mères sans passeport suisse doivent, le cas échéant, renoncer à la nationalité suisse, pas le père. Le manque à gagner dans la caisse familiale n’est pas partagé, mais supporté par la seule mère, avec les conséquences qui vont avec pour les enfants. Cette injustice relevée par le Comité CEDEF (Comité de l'ONU pour l'élimination de la discrimination à l'égard des femmes) et dénoncée par le Tribunal fédéral a justement été un déclencheur important pour réviser la loi. La raison qui explique que cette injustice se poursuive est comme bien souvent le fédéralisme. L’aide sociale est de la compétence des cantons, la mise en œuvre d’un partage du manque à gagner serait de ce fait trop compliqué et exigerait une modification de la Constitution, s’est excusé le Conseil fédéral.

Répartir équitablement le travail entre femmes et hommes

La proposition de l’USS faite dans le cadre de la procédure de consultation d’une contribution d’entretien minimale (à hauteur de la rente de veuve maximale simple) pour chaque enfant, n’a pas été suivie, avec le même argument qu’il faudrait modifier la Constitution : un enfant ne reçoit donc toujours que ce que le père peut payer et pas ce dont il a besoin pour vivre. Mais un changement a au moins été introduit : en cas de divorce, n’est plus seulement fixé le montant de la contribution d’entretien, mais aussi le montant nécessaire permettant d’assurer l’entretien convenable de l’enfant. Cela permet d’adapter la contribution d’entretien si la situation financière du père devait s’améliorer. L’obligation d’entretien de la famille du parent qui assure la prise en charge a été supprimée. Et enfin, un dossier d’aide sociale séparé est désormais établi pour l’enfant, afin que le parent ne doive plus rembourser que l’aide sociale qu’il a reçue pour lui-même.

Cela facilite les choses pour les familles monoparentales, mais ne s’attaque finalement qu’aux symptômes. Afin que les divorces ne conduisent plus à des catastrophes, il faut repenser complètement le système : comme pour le partage du risque financier à la suite d’un divorce, le travail rémunéré et non rémunéré doit être réparti également entre femmes et hommes. Les femmes et les hommes doivent déjà avant un éventuel divorce assumer chacun la responsabilité des finances familiales et d’une relation stable envers leur enfant. Ce n’est qu’ainsi qu’ils pourront s’occuper ensemble des enfants après une séparation. La garde alternée après le divorce qui désormais doit aussi être examinée même contre la volonté d’un parent, ne peut fonctionner que si la responsabilité est partagée également pendant le mariage. La politique doit veiller à créer les conditions cadres correspondantes.

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