Même Clara Zetkin[1] – si il lui était offert de traverser brièvement l’histoire féministe récente en Europe – parlerait de progrès en matière de condition de la femme. Un progrès qui n’est pas tombé du ciel, mais a été obtenu de haute lutte par les femmes actives, principalement des syndicats. Un progrès qui n’est pas non plus définitivement acquis. Et de loin pas ! En Suisse, le travail précaire et mal rémunéré est souvent dévolu aux femmes, alors que l’immense majorité du travail familial est aussi resté leur lot. Pas étonnant donc que leurs revendications à l’intention du monde du travail sont formulées dans une perspective « privée ». Car si les enfants, ou d’autres proches, sont malades, ce sont d’abord elles qui doivent fournir des efforts particuliers.
Aménager le travail en fonction des femmes et des tâches d’assistance
Les femmes de l’USS ont placé leur congrès sous le signe de la compatibilité famille-profession, une compatibilité qui ne doit plus être un casse-tête quotidien. Un manifeste en six points appelle ainsi les syndicats
- à créer des normes pour un travail de qualité et rémunéré comme il se doit, ainsi que des horaires adaptés aux besoins des familles ;
- à mieux tenir compte dans les conventions collectives de travail (CCT) et les règlements du personnel du travail nécessaire à la société, mais non rémunéré ; outre l’extension du congé de maternité et le développement du congé de paternité, il faut aussi créer un nouveau droit à une réduction temporaire de la durée du travail, ainsi que permettre de courtes absences ou un congé pour cause de tâches d’assistance ;
- à reprendre la discussion sur la durée du travail dans la perspective de l’égalité des sexes ;
- à améliorer les réglementations légales en vigueur dans tous ces domaines.
Le cinquième point du manifeste demande que l’accueil extrafamilial des enfants devienne une tâche publique ; il faut que, du nourrisson à l’ado de 16 ans, chacun(e) ait un droit à un accueil extrafamilial gratuit. Le personnel nécessaire ici devra bénéficier d’une formation satisfaisante et de bonnes conditions de travail. Enfin, le sixième point du manifeste invite les syndicats à accorder plus d’importance au thème de la prise en charge de personnes dépendantes de soins. Lorsque ces tâches sont assumées par des proches qui exercent une activité lucrative, il s’agira d’appliquer les droits mentionnés au deuxième point (courtes absences, congé). Concernant les soins professionnels, les syndicats doivent s’engager pour leur développement et l’amélioration des conditions de travail.
Propositions et approfondissements
Une soixantaine de propositions ont déjà été déposées sur ce manifeste. Il appartiendra au congrès d’en débattre et de trancher. Ces propositions demandent la plupart que les différents points soient complétés avec de nouveaux droits, comme celui à un travail rémunéré, celui à retrouver son emploi après un congé de maternité, celui à la formation continue même en cas de travail à temps partiel, celui à un congé avant l’accouchement et d’adoption, etc. Quatre ateliers permettront en outre d’approfondir les thèmes développés dans le manifeste et d’en discuter librement sans considérations tactiques, puisqu’il n’y aura pas de votes définitifs à ce niveau.
Également en vue d’approfondir ces problématiques, trois oratrices ont été invitées à s’exprimer à cette occasion. Christina Klenner, de l’Institut – proche des syndicats - des sciences économiques et sociales (WSI) de Düsseldorf, se demander comment concilier profession et famille avec des modèles de temps de travail adaptés aux besoins de chaque genre, Christiane Marty du Conseil scientifique d’ATTAC France, se demandera, quant à elle, si la semaine de 35 heures est la solution optimale pour une telle conciliation et Claudia Menne, de la Confédération syndicale allemande (DGB), abordera la problématique du congé parental par le biais de l’accord-cadre révisé des partenaires sociaux européens
[1] Clara Zetkin (1857- 1933) : enseignante, journaliste et femme politique marxiste allemande qui fut une figure de proue du mouvement féministe.