18,9 pour cent : le manque à gagner est de près de 1500 francs par mois

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Écrit par Regula Bühlmann

Égalité salariale : la patience des femmes est à bout

 

L’échec du Dialogue sur l’égalité des salaires en est la meilleure preuve : les initiatives volontaires ne suffisent pas à elles seules à mettre fin aux inégalités salariales. L’heure est aux mesures légales efficaces.

 

Voici 34 ans que l’article 8 de la Constitution fédérale le dit clairement : « L’homme et la femme ont droit à un salaire égal pour un travail de valeur égale. » Entrée en vigueur en 1996, la loi sur l’égalité concrétise ce droit et octroie aux tribunaux la compétence de constater les cas de discrimination, de les interdire et de les faire cesser, ainsi que d’ordonner le versement du salaire dû. Il n’en reste pas moins que l’égalité salariale est toujours un but éloigné en Suisse. Si l’écart salarial entre hommes et femmes s’est réduit relativement vite lorsque l’article constitutionnel a été adopté, le rythme a toutefois diminué durant la dernière décennie. Et l’écart s’est même légèrement creusé récemment, passant de 18,4 pour cent en 2010 à 18,9 pour cent en 2012.

L’échec du Dialogue sur l’égalité des salaires

Ce nouvel écart est l’une des données qui confirment l’échec du Dialogue sur l’égalité des salaires, le projet lancé par les partenaires sociaux et la Confédération pour mettre fin aux inégalités par le biais de mesures volontaires. Le rapport d’évaluation présenté l’an dernier est d’ailleurs parvenu à la même conclusion. À ce rythme, il faudra attendre des décennies pour que l’égalité soit instaurée. Aujourd’hui, les femmes sont trois fois plus nombreuses à percevoir des salaires inférieurs à 4000 francs et deux fois moins nombreuses à occuper des postes de cadre. Et elles gagnent 9 pour cent de moins même lorsqu’elles accomplissent un travail de valeur égale à qualifications égales. Une discrimination qui représente environ 7,7 milliards de francs par an.

Il faut passer aux actes. Avec un écart salarial de 18,9 pour cent, les femmes perçoivent près de 1500 francs de moins par mois. Sans compter qu’elles en subissent une deuxième fois les conséquences à la retraite : leurs rentes sont inférieures.

Les limites des mesures volontaires

L’USS est donc persuadée que les initiatives volontaires ne sont pas suffisantes : l’heure est aux mesures légales efficaces. L’automne passé, le Conseil fédéral a fait un pas dans ce sens : il veut contraindre les entreprises comptant au moins 50 employé(e)s à réaliser régulièrement une analyse salariale interne contrôlée par des tiers. Les entreprises devraient en publier le résultat dans leur rapport annuel. Toutefois, si l’employeur n’agissait pas contre les inégalités salariales, il appartiendrait toujours aux salarié(e)s de saisir le tribunal.

Si cette mesure va dans le bon sens, elle n’est toutefois pas suffisante pour l’USS. Il faut en effet aussi contraindre les entreprises à éliminer toute inégalité constatée. De surcroît, il faut constituer un organe tripartite qui effectuera des contrôles de salaires et pourra ordonner des mesures efficaces contre les inégalités constatées. C’est en effet la seule façon de transférer la responsabilité de mettre en œuvre le mandat constitutionnel des femmes à une instance publique, absolument indispensable, car une action en paiement du salaire est un obstacle majeur pour les salariées.

Égalité salariale, sans tarder !

Par ailleurs, il faut améliorer de façon générale la protection des salaires en augmentant le nombre de conventions collectives du travail et en instaurant un salaire minimal national. Il importe aussi de mieux distribuer le travail rémunéré et le travail non rémunéré entre femmes et hommes. À cet effet, plusieurs mesures sont nécessaires : augmentation et subventionnement des places d’accueil extrafamilial des enfants, soutien pour les personnes qui s’occupent de proches dépendants, congé parental payé et horaires de travail prévisibles et réduits. Enfin, des quotas et une politique éducative qui ne fasse pas de différence entre les sexes doivent garantir que les femmes seront dûment représentées dans tous les domaines du monde du travail.

Ne nous trompons toutefois pas : l’égalité salariale ne progressera que si nous les femmes nous sommes présentes sur la place publique et si nous montrons clairement que nous n’accepterons plus la discrimination salariale. C’est le sens à donner à la grande manifestation nationale du 7 mars : la patience des femmes est à bout. Nous annonçons la couleur au monde politique et demandons l’égalité salariale, sans tarder.

 

Responsable à l'USS

Daniel Lampart

Premier secrétaire et économiste en chef

031 377 01 16

daniel.lampart(at)sgb.ch
Daniel Lampart
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